Chapitre 35 - Jack

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28 Août 2012


Minuit trois. Un an de plus sans lui à mes côtés, voilà ce que m'inspirait maintenant mon anniversaire. Comme un rappel de tous les évènements auxquels il ne participerait plus jamais. Ma mâchoire se contracta pour m'aider à repousser l'élancement qui se nichait au creux de ma poitrine. Penser à lui, à son départ prématuré me comprimait toujours autant le coeur, mais c'était un bien maigre châtiment alors que je m'évadais un peu moins chaque jour pour me souvenir de lui. Je n'étais qu'un fils ingrat, incapable d'honorer comme il se devait la mémoire de l'homme qui m'avait tant donné. Celui qui avait été ma béquille dans les moments difficiles.

Ce soir, je trinquerai en ton honneur, papa.

Mes doigts légèrement écartés descendirent le long de mon crâne pour étaler une couche de gel et plaquer en arrière mes cheveux. Pour la soirée, j'avais opté pour une coiffure gominée. Le miroir de la salle de bain me renvoya l'image d'un homme élégant sur qui le temps n'avait pas encore eu d'effet. Jean brut, chemise blanche, manches longues retroussées jusqu'au coude, j'étais fin prêt pour rejoindre mes aînés.

Pour fêter mes trente-quatre ans, ils avaient réservé l'une des alcôves du PDT Please Don't Tell, un bar branché qui se la jouait clandestin. Pour respecter notre tradition, à deux heures trente-deux du matin, tous les trois, nous lèveront joyeusement nos verres pour célébrer ma naissance. Soucieux de ne pas susciter la jalousie d'Ashley, même si en pareil occasion je la trouvais tout simplement délicieuse, j'avais demandé à Eric que nous passions la soirée dans un bar autre que celui de Jo. Mon amie qui se trouvait être également mon ex-petite amie n'avait pas les faveurs de la femme qui faisait rayonner tout ce qui m'entourait depuis plusieurs mois.

Je renvoyai un sourire forcé à mon reflet dans le miroir. Moins de dix jours s'était écoulé depuis ma visite éclair sur Toronto. Non pas que je comptais les heures, mais en dépit de mes journées bien remplies, son absence me pesait. La chaleur de sa peau, celle qui m'irradiait même au travers de sa couche de vêtements, me manquait terriblement. J'étais addict à cette femme, au goût de ses lèvres douces, à la finesse de ses courbes, à son teint doré, aux larmes qui se déversaient sur ses joues lorsqu'elle était emportée dans les tourmentes du plaisir, à son rire cristallin, et à tellement d'autres choses dont elle me privait. J'avais l'impression que ma dépendance s'était accrue depuis qu'elle avait avoué m'aimer. Alors oui bordel, je comptais les heures.

Cependant, j'avais retenu la leçon. Ne pas la bousculer, la laisser venir à moi, lui accorder du temps. Pour se sentir en sécurité, Ashley devait garder les commandes de notre relation, et si je ne respectai pas ce besoin, je prenais le risque qu'elle prenne une nouvelle fois ses distances. Et si cela se reproduisait, j'avais le pressentiment que son départ serait irrémédiable. 

En plus, en lui accordant cet espace si cher à ses yeux, Ashley s'était révélée être plus attentive, plus à mon écoute, prenant le temps de m'appeler durant la journée et de m'envoyer plusieurs messages. D'elle-même sans que je ne lui demande, elle comblait la distance qui nous séparait et c'était une première dans notre relation. Jusqu'alors j'avais toujours été à l'initiative de nos conversations téléphoniques, quant aux textos, elle n'affectionnait pas ce mode de communication. D'ailleurs, avant mon dernier passage à Toronto, le plus souvent, elle ne faisait que répondre à mes messages, et ne m'écrivait quasiment jamais de son propre chef. Mais cet époque semblait appartenir à une autre réalité, une qui se déroulerait dans un univers parallèle. La nouvelle version que m'offrait Ashley d'elle, était une bouffée d'air frais. À mon grand plaisir, elle avait même réussi à me surprendre en utilisant à plusieurs reprises la fonction FaceTime. Avec nos horaires décalées ce n'était pas toujours évident, mais nous arrivions tout de même à nous accorder du temps pour nous voir à travers l'écran de nos portables. C'était une bien maigre consolation alors que je rêvais si ardemment de la serrer dans mes bras pour humer le parfum de sa peau, puis de l'étendre sous mon corps pour qu'elle me supplie de la prendre, encore et encore.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant