Notre valse en trois temps - tome 2 - Et si

Chapitre 33 - Ashley

Je détestais les aiguilles du temps. Ces garces poursuivaient leur course sans se soucier du manque qui allait m'envahir. Nous venions tout juste de nous retrouver, et d'ici quelques minutes, je devrais à nouveau me soustraire à ses yeux ensorceleurs, à sa bouche dont les contours m'hypnotisaient, à sa voix envoûtante...et ses fossettes. Elles qui secrètement m'avaient fait succomber lorsque telles deux météorites nous nous étions percutés.

Assis en face de moi, Jack me parlait. Je faisais mine d'écouter en acquiesçant par des hochements de tête, ici et là. Mais l'humeur qui fourmillait doucement en moi m'empêchait de l'entendre. J'étais attendue à l'hôpital pour entamer mon quart de douze heures et pour la toute première fois, depuis mon retour à Toronto, je n'étais pas impatiente de franchir les portes automatiques du pôle de chirurgie. Me noyer sous le travail était l'antidote que j'avais trouvé pour ne plus penser à Jack, et maintenant que tout était au clair entre nous, l'idée de me faire porter pâle pour rester toute la journée avec lui était extrêmement tentante. En plus, j'avais du sommeil à rattraper. Jack ne m'avait accordé aucun répit, hier soir. Sans une once de remords, il avait interrompu mes rêves pour me conduire vers des contrés où il exacerbait mon plaisir. Au souvenir de la nuit passé, et à mon réveil érotique auquel il m'avait soumis, mon désir se réveilla. Je venais de passer la quasi-totalité de la nuit ainsi que le début de la matinée à faire l'amour, mon intimité était sensible, et portant mon être le réclamait encore. Ma libido partait sérieusement en couille. Pour tenter de l'apaiser, je me soustrayais quelques secondes à son regard hypnotisant.

Le Starbuck était bondé. Depuis notre table, j'avais une vue direct sur mon immeuble. Le soleil scintillait sur les fenêtres fumées, et j'imaginai Claire entrain de râler contre l'astre du jour, après sa nuit à l'hôpital. Sa garde terminée, elle était rentrée à l'appartement, juste au moment où je sortais de ma chambre suivie de près par Jack. En nous voyant tout ébouriffé et à demi-vêtu, elle n'avait pas caché sa satisfaction. Sa petite fourberie avait fonctionné. D'une mine enjouée, elle nous avait demandé de l'appeler miss Cupidon. Si ses cernes ne trahissaient pas son état de fatigue, je l'aurai entraînée dans sa chambre pour lui toucher deux mots. Ce soir de retour de mon quart, il serait encore temps que je remercie ma meilleure amie.

Mes pensées roulèrent sur le trottoir. Il y régnait l'effervescence qui accompagnait généralement les beaux jours. Une période propice pour tomber amoureux le temps d'un été, d'une nuit ou pour la vie. Pour augmenter leur chance de conquête, certains misaient sur leur musculature développée. Quant aux femmes, le tissu recouvrant leur peau s'était rétréci. Était-ce pour nourrir leur peau des rayons du soleil après ces longs mois de grisaille? Ou simplement pour susciter le regard de leur futur amant? À cette pensée, mon attention se recentra sur Jack. J'avais lutté pour que notre première nuit ensemble ne tisse aucun fil invisible entre nous. Seulement il était déjà trop tard. Nous étions liés l'un à l'autre dès notre première rencontre.

Toi et moi pour une vie.

Cette promesse était un contrat. J'avais ouvert mon coeur à Jack, où plutôt je l'avais déposé en offrande au creux de ses mains. Je l'aimais de tout mon être. Lorsque la vérité avait percé la barrière de mes lèvres, les nuages qui m'obscurcissaient furent dispersés pour être remplacés par à un ciel lumineux. Jack était mon anti-cyclone, celui qui me protégeait des éclairs.

— Alors? Tu seras des nôtres?

Tout en portant à ses lèvres sa tasse de café fumante, Jack m'enveloppa de ses yeux azurs. Il attendait ma réponse, mais au prise avec mes pensées, j'avais totalement perdu le fil de notre conversation.

— Pour...Quoi? demandai-je en ponctuant chacune des syllabes avec l'espoir que mon subconscient m'apporte un indice.

Mais rien! C'était le trou noir, et Jack s'en aperçut. D'un air amusé il entama un rapide résumé.