Chapitre 32 - Ashley

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Certaines personnes étaient tributaires de leurs phobies. Des peurs irrationnelles pouvant les contraindre à l'aliénation complète. Jusqu'alors je n'avais pas conscience que moi aussi j'étais soumise par une terrible terreur.

Le vide.

Il m'oppressait.

Mon sang galopa dans mes veines à en faire rougir ma peau. Instinctivement, mes ongles s'enfoncèrent dans mes paumes pour contenir les tremblements de mes jambes. Que diable faisais-je en équilibre sur ce fil tendu? Comment avais-je pu me mettre dans une telle situation? Et alors que je réfléchissais aux événements m'ayant conduite à déambuler à plus d'une centaine de mètre au-dessus du sol, l'étau autour de ma poitrine se fit plus étouffant. Les molécules d'oxygène se combinèrent entre elles pour former deux murs épais qui me compressaient de part et d'autre. Puis pour accroître mon tourment, un vent chaud aussi délicat qu'un souffle se souleva. Telle une liane, il s'enroula autour de mes chevilles et remonta le long de mes mollets pour poursuivre son chemin en empruntant l'intérieur de mes cuisses. Mais tandis que tous mes muscles se contractèrent pour résister à la vague de chaleur qu'il faisait naître dans mon bas-ventre, un écho lointain me susurra d'arrêter de lutter. D'accepter mon sort. Mon coeur s'accéléra. Cette sensation, cette vague entre mes jambes, je la reconnaissais, et habituellement j'aimais me laisser engloutir par elle. Mais là, au-dessus du vide, elle n'avait pas sa place. C'était absurde.

Seulement bientôt, en dépit de toute ma volonté, sans que je ne parvienne à les contrôler, mes orteils se recroquevillèrent violemment. Si ça continuait ainsi, j'allais finir par basculer dans le vide, et je n'étais pas certaine de ce qui m'attendait sur la terre ferme.

Venant de nul part, un carré de soie de la couleur d'un champ de blé soumis aux affres des rayons du soleil du midi se mit à flotter autour moi. L'écho, celui qui m'avait intimée de lâcher prise, j'avais le sensation qu'il émanait de cette étoffe. Ne comprenant plus la réalité qui m'entourait, dans un dernier sursaut de survie, de toutes mes forces, je me raccrochai à elle. Peut-être allait-elle m'aider à garder pied sur cette corde? Mais alors que je mettais toute mon énergie pour conserver l'équilibre, une paire de mains, avide, puissante, mais tout à la fois d'une douceur insoutenable revendiqua mes chevilles. À l'unisson, elles complotèrent pour mettre à mal mes dernières défenses. Leurs ongles courts s'enfoncèrent dans ma chair, pétrissant avec vigueur ma peau. Arrivées à la jointure de mes genoux, elles s'immobilisèrent malmenant dans leur attentisme ma raison. Devais-je m'abandonner à leur étreinte? Fallait-il que je résiste afin d'aller au bout de cette fichue sangle élastique? J'étais perdue.

Mes attaquantes durent se rendre compte de mon dilemme, et pour s'assurer de ma pleine et totale reddition, à leurs caresses s'ajoutèrent une bouche. Sa bouche. Si fiévreuse. Ses dents. Si dévorantes. Sa langue. Si espiègle. Face à ce nouvel assaut, je me raidis toute entière. Et alors que les prémices d'une multitude d'étincelles flamboyantes se nichèrent dans mon estomac, la jonction de mes cuisses devint une terre de convoitise. Dès lors, mes poumons arrêtèrent de se remplir d'air et ma vision se brouilla. Comme si cela ne suffisait pas, ses lèvres et ses doigts s'unirent. Ensemble, mes deux tortionnaires se délectèrent de mon intimité comme si elle était un fruit d'été à la saveur exquise dont elles retrouvaient le goût après une longue période hivernale. En quelques secondes, j'abdiquai. Dans un long gémissement, j'accueillis le tsunami qui ébranla mon maintien sur ce fil tendu et me laissai emporter par cette vague de plaisir aussi tortueuse que délicieuse.

— Hello, belle endormie.

Cette voix, je la reconnaitrai parmi un millier d'autres. C'était la sienne. Chaude. Rauque. Enivrante. La seule qui pouvait accélérer ma chute pendant que ses doigts ainsi que ses lèvres m'aspiraient pour me faire voler en éclats. Lentement, alors que mon orgasme dansait encore sur mon corps nu, je refis surface et je geins tout en mordant ma lèvre inférieure.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant