Chapitre 8 - Jack

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Ce sentiment d'anxiété ne me quittait pas. Pourtant, je m'étais résigné à la laisser seule. J'aurai pu nous faire livrer et ainsi rester au près d'elle, mais Ashley avait besoin d'espace. Elle me l'avait clairement fait comprendre. À l'abri des regards, elle désirait se recueillir sur les effets personnels de sa mère et je l'aimais beaucoup trop pour l'en priver. Il ne me restait plus qu'à croiser les doigts pour que rien de fâcheux ne se produise en mon absence.

Sa crise de panique m'avait vraiment remué, mais je tentai de me persuader que le pire était derrière nous. C'est vrai que pouvait-il arriver encore? La maison n'allait pas se mettre à parler et révéler de sombres secrets à Ashley. Alors pourquoi n'arrivai-je pas à me défaire de cette boule d'angoisse?

Dans le hall d'entrée du Sabay Thaï, un restaurant thaïlandais que Ashley affectionnait tout particulièrement, je ne tenais plus en place. Situé à une dizaine de minute en voiture de la maison de ses parents, mon choix s'était porté sur cet établissement pour sa proximité. Depuis le SUV de Ashley grâce à son système de téléphonie intégrée, j'avais commandé notre dîner. J'espérai ainsi gagner du temps pour retourner au plus vite auprès d'elle, mais manifestement le chef en avait décidé autrement. Cela faisait plus d'un quart d'heure que je patientais et si l'attente se prolongeait, j'irai moi-même en cuisine préparer les plats. Il ne fallait tout de même pas une éternité pour concocter deux salades de papaye à la cacahuète ainsi qu'un curry rouge et une soupe de citronnelle aux crevettes.

Après un énième coup d'oeil à ma montre, je ne tins plus en place.

— Mademoiselle, interpellai-je l'hôtesse en charge de l'accueil, pouvez-vous me dire où en est ma commande?

Mon ton abrupt ne chassa pas le sourire courtois que la jeune femme à la chevelure la plus longue qu'il m'ait jamais été donné de voir, affichait sur ses lèvres ultra-fines.

— Monsieur, rappeler votre prénom et nom de famille afin que je puisse vérifier la préparation de vos plats ?

— Jack HUNTER.

De ses longs doigts fins habillés de bagues, elle pianota sur sa tablette mon identité, puis releva la tête pour m'adresser à nouveau son large sourire.

— Vos plats seront prêts dans moins de cinq minutes. Monsieur HUNTER, souhaitez-vous que j'y joigne une bouteille de vin.

J'acquiesçai d'un mouvement de tête et arrêtai mon choix sur un vin rouge du domaine des Côtes d'Ardoises, un Haute-Combe.

Moins de dix minutes plus-tard, avec en main mon sac en papier en kraft, je retournai en direction du parking. Installé sur le siège conducteur, je lançai un FaceTime, mais sans succès. Ashley ne décrocha pas, exacerbant mon noeud à l'estomac. Elle était livrée à elle-même depuis bien trop longtemps. Cela faisait prêt d'une heure qu'elle était seule dans cette grande maison.

Sur le chemin du retour, le sort s'acharna toujours contre moi. Après le chef cuisinier, c'était au tour des feux de circulation de m'empêcher de rejoindre au plus vite, Ashley. À mon approche chacun d'eux m'avait intimé de m'arrêter en passant au rouge. Et alors que j'étais à deux rues de la maison de ses parents, le dernier feu tricolore ne fit pas exception. Le griller était plus que tentant, mais une camera de sécurité routière sur la rue d'en face enregistrait le moindre de mes gestes. Pour prendre mon mal en patiente, je tentai une nouvelle fois de l'appeler, mais comme lors de ma tentative précédente, elle ne décrocha pas et seule la voix de son répondeur résonna dans l'habitacle de la voiture.

Pour m'empêcher d'imaginer le pire, je me répétai en boucle que tout allait à la perfection, que Ashley se portait à merveille et qu'une fois de retour à son apparement nous ferions l'amour pour chasser nos craintes de cette journée. Rien de grave ne s'était produit! Elle ne répondait pas à son téléphone, trop occupée à retrouver les souvenirs de sa mère conservés dans ces cartons. Enfin ma délivrance arriva, j'appuyai sur l'accélérateur habité par ce besoin irrationnel d'être à nouveau à ses côtés pour prendre soin d'elle. La détresse qui l'avait submergée en repensant au suicide de Lyly m'avait rongé de l'intérieur. La voir aussi tourmentée avait décuplé mon sentiment protecteur, m'ordonnant de la protéger, de veiller sur elle et cela même si je prenais le risque d'être repoussé.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant