Chapitre 34 - Ashley

67 9 14
                                    

Je poussai un profond soupir de satisfaction. Mon corps s'éveillait comme après une longue période de sommeil. Comme cela m'avait manqué. Sans résistance aucune, mes muscles acceptèrent la torsion que je leurs imposais. Les paupières closes, je percevais le flux d'énergie qui véhiculait sous ma peau.

Trois respirations...

Dans cet état de flottement, j'entrevoyais ce que je désirais vraiment. San tromperie.

Deux respirations...

Jack, il avait soufflé sur des braises dont j'ignorais l'existence. Et voilà que maintenant, songe après songe, nuit après nuit, mon esprit habituellement si conformisme m'ouvrait une porte sur un désir insoupçonné.

Une respiration...

Tel un métronome, la voix calme de Caleb, un des yogistes assurant le cours de bikram, traversa la nébuleuse qui m'entourait pour me ramener dans la pièce chauffée à quarante degrés. J'aurais tout donné pour rester ne serait ce que quelques secondes de plus dans cette bulle où j'étais en parfait accord avec ce que je souhaitais réellement.

— Tout en douceur, ramenez vos jambes vers le sol, poursuivit-il.

À regret, je m'exécutai. Ma garde terminée, je m'étais directement rendue à ma salle de yoga, située à trois rues de l'hôpital. Après la nuit que je venais de passer, j'avais besoin d'évacuer toutes les tensions accumulées au bloc opératoire. J'avais enchaîné pas moins de quatre opérations dont une auprès d'un adolescent ayant atterri aux urgences suite à une surconsommation de méthadone. Le jeune homme avait fait pas moins de deux arrêts cardiaques avant que je ne parvienne à réparer les dégâts causés à son coeur. Ses parents, totalement perdus face au comportement de leur fils, avaient essayé de trouver des réponses que malheureusement je n'avais pas. J'expirai pour évacuer la boule de chagrin qui essayait de se loger dans ma poitrine.

— Veuillez vous mettre à genoux. Penchez-vous en arrière et poussez vos cuisses vers l'avant. Soulevez votre poitrine.

La tête inclinée en arrière, je tendis mes bras derrière moi, et déposai mes paumes sur mes chevilles. Je respirai, puis inspirai. Une fois, deux fois, puis je perdis le compte pour laisser mon esprit s'évader. Celui-ci me ramena auprès de ma meilleure amie. Voyant les bienfaits du yoga sur mon corps et mon mental, Claire s'était inscrite au même club que moi et m'y rejoignait dès que notre planning coïncidait. Selon elle, toutes ces postures l'aideraient à améliorer ses prouesses sexuelles.

— Pic à glace, crois-moi! La souplesse c'est la clé si tu veux surprendre ton amant avec des positions exotiques.

En réponse à mon froncement de sourcils, Claire avait précisé ce qu'elle entendait par positions exotiques. Sur le chemin du retour vers l'appartement, j'avais eu droit à tout un babillage sur les illustrations du Kamasutra. Par contre, elle avait botté en touche lorsque je lui avais demandé si elle avait en tête un homme avec qui tester sa nouvelle théorie. Face à son mutisme, j'en avais profité pour la taquiner. Depuis notre retour de New-York, Claire et Henry, l'ami de longue du frère ainé de Jack, entretenaient un relation téléphonique. Les appels qui au départ étaient espacés et tournaient autour de sujets impersonnels, s'étaient transformés en coup de fils journaliers. Leurs discussions devinrent plus intimes. Avec une sincérité déconcertante, tous les deux s'ouvraient l'un à l'autre, se confiant leurs peurs, leurs belles histoires passées, leurs espoirs, leurs échecs. Des confidences que j'apprenais encore à dévoiler à Jack, sans qui je n'y serais jamais arrivée sans l'intervention de Claire.

— Allongez-vous sur le sol, soulevez la poitrine vers le haut en tendant les bras le plus haut possible, poursuivit Caleb.

Avec aisance, je réalisai la position du cobra. Je me risquai à jeter un coup d'oeil à ma voisine. À quelques mètres de mon tapis, Claire effectuait à la perfection la posture demandée. J'étais admirative de la force qu'elle dégageait surtout après les jours compliqués qu'elle venait de vivre à l'hôpital. Une jeune fille âgée de treize ans avait été conduite dans son service suite à une tentative de suicide. C'était le seul recours qu'elle avait trouvé pour échapper à l'énième tentative d'abus sexuel de son oncle. Ce gros porc avait emménagé chez sa soeur suite à la perte de son emploi, et pour la remercier, il se glissait chaque soir dans le lit de sa fille. La nausée s'était emparée de ma bouche lorsque Claire m'avait expliquée les sévices que cet homme lui imposait. Quant à elle, elle avait été à fleur de peau toute la semaine. Je respirai, bloquai l'air dans mes poumons avant de le relâcher brusquement tout en commandant à mon esprit de m'arracher au souvenir de cette conversation.

Notre valse en trois temps - tome 2 - Et siOù les histoires vivent. Découvrez maintenant