1. Le chasseur et le chassé

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Logan sut dès qu'il l'aperçut que ce gamin lui attirerait des ennuis. 

Il fallait dire que leur première rencontre ne s'était pas produite de façon banale. Il venait alors tout juste de finir d'installer son campement pour une énième nuit à la belle étoile en plein cœur de la forêt qui bordait la frontière entre le Canada et l'État de Washington. Le Professeur Xavier l'avait envoyé en mission spéciale pour traquer Victor, l'homme-animal, qui avait vraisemblablement refait surface en laissant derrière lui une traînée de cadavres.

La forêt avait toujours apparue comme l'élément naturel de Logan, le seul endroit où il pouvait réellement être lui-même. Il avait passé une bonne partie de sa vie à se cacher et à errer dans les bois jusqu'à ce que le Professeur l'introduise à la vie en civilisation en lui offrant une place à l'Institut, mais même s'il avait appris à aimer son quotidien au milieu d'autres mutants et qu'il en était venu à considérer chacun d'entre eux comme des membres de sa famille, il n'en restait pas moins intrinsèquement un survivaliste solitaire.

Il était donc prêt à se reposer après une troisième journée de recherche infructueuse lorsque des bruissements se firent entendre près de l'endroit où il campait. Il crut au départ qu'il s'agissait d'un animal, parce que quelles étaient les chances qu'il rencontre un autre être humain au beau milieu de nulle part, à plus d'une dizaine de kilomètres de la route la plus proche ? Il réalisa bien assez tôt qu'il s'était trompé dans ses suppositions en voyant un jeune homme surgir des fourrées comme si le diable était à ses trousses.

Il était dans un sale état, Logan put le constater même malgré l'obscurité ambiante. Ses pas étaient incertains et chancelants, ses vêtements étaient déchirés et crassés de terre et de sang, tout comme sa peau, souillée et mutilée. Son t-shirt en lambeaux laissait découvrir une partie de son torse, marqué par trois impressionnantes balafres. Ses blessures ne semblaient toutefois pas être la priorité du nouveau venu, qui jetait fréquemment des regards derrière lui comme une proie qui se sait pourchassée par un prédateur. Il freina net sa course lorsqu'il remarqua la présence de Logan, probablement parce que lui non plus ne s'attendait pas à tomber sur une autre âme qui vive, mais il revint rapidement de sa stupeur et s'approcha sans gêne du campement pour se précipiter sur le feu de camp qui crépitait au centre de l'installation.

-Je te conseille de reculer, mon pote, lança-t-il dans sa direction comme s'il lui parlait de la pluie et du beau temps. Les choses risquent de barder, par ici.

Logan crut d'abord que ce gamin, à qui il donnait à peine vingt ans, était en train de le menacer ouvertement et il était prêt à lui faire ravaler son arrogance lorsque le jeune inconnu s'empara d'un morceau de bois qui ressortait du feu pour faire office de torche et qu'il commença à faucher habilement son nouvel outil autour de lui comme s'il s'était agi d'une épée à double tranchant.

« Il fallait que le seul type qui se trouve avec moi dans cette forêt à des kilomètres à la ronde soit complètement timbré », regretta-t-il amèrement en écartant instinctivement les jambes pour se placer en position de combat. C'était bien sa chance, comme toujours. Il leva les bras devant lui pour signifier au nouvel arrivant qu'il n'était pas armé et dangereux dans l'espoir que ce geste puisse remettre les idées de ce gamin en place. Ce n'était pas parce qu'il craignait de perdre un combat contre ce fou à lier (Dieu, comment un homme impossible à blesser pouvait craindre quoi que ce soit ?), mais plutôt parce que le garçon se trouvait déjà dans un sale état et qu'il risquait de l'amocher encore plus dans le feu de l'action, ce qui était loin d'être désirable compte tenu de leur situation géographique. S'il devait se battre, il préférait affronter une personne à sa taille.

Puis, il l'entendit. Ce n'était au départ qu'un bruissement de feuilles, comme si le vent frappait les branches des arbres, mais à des points bien précis. Logan lui-même n'avait jamais rien entendu de tel, mais ce froissement, qui encerclait maintenant l'ensemble du campement, était loin de l'inquiéter comme il alarmait le gamin, qui ne perdait jamais l'étrange et le presque imperceptible mouvement des yeux, sa torche improvisée toujours levée devant lui comme si c'eut pu lui permettre de se protéger contre ce bruissement. Était-il dérangé au point d'en venir à se battre contre un simple coup de vent ?

LE MUTANT ET LE MONSTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant