38. Retour en grand

161 10 0
                                    

Dean détestait mourir.

Il était déjà mort beaucoup trop souvent à son goût et chacun de ses décès avait été un supplice auquel il ne s'était jamais habitué, même après avoir vécu le même manège plus d'une centaine de fois. Oui, la mort mettait toujours fin à la douleur physique. Oui, la coupure avec la réalité lui procurait une paix intérieure qu'il ne pourrait jamais connaître en plein état de conscience, mais le néant bienfaisant qui remplaçait la souffrance des vivants n'était que temporaire, et la torture qui s'ensuivait était pire que tous les autres tourments et châtiments qu'avait pu subir son enveloppe charnelle : à chaque fois qu'il trépassait, il revivait la nuit où on l'avait arraché à ses parents, la nuit où il était symboliquement mort pour la première fois.

Cette fois, en revanche, les choses s'étaient déroulées de manière sensiblement différente. D'abord, jamais il n'avait cru en s'enfonçant cette épée dans le ventre qu'il resusciterait. Après tout, il tenait ses incroyables pouvoirs de régénération de la grâce de Michael, donc en tuant l'archange, il allait forcément perdre ses facultés. Autre fait perturbant : pour la première fois depuis son premier voyage de l'autre côté du voile, il ne revit pas les images de cette nuit fatidique, rien qu'une douce et apaisante obscurité. Il se laissa bercer par ce cocon de ténèbres pendant ce qui lui parut être une éternité jusqu'à ce qu'une sensation étrangère lui parvienne. Son refuge chaleureux et confortable se refroidit graduellement jusqu'à ce qu'il sente le contact de sa peau sur une surface glacée. Pourtant, l'obscurité l'enveloppait toujours, rien ne portait à croire qu'il était sorti du néant. Ses instincts prirent rapidement le dessus sur ses pensées encore embrouillées et il entreprit de suivre cette surface froide pour voir où elle le mènerait. Peut-être Dante avait-il eu raison en déclarant que l'Enfer était glacé. Peut-être entamait-il sans le savoir sa descente vers le gouffre éternel, dans lequel on lui ferait payer jusqu'à la fin des temps toutes les morts et les peines qu'il avait causées. Et comme il venait tout juste d'arrêter l'Apocalypse et de tuer ceux qui devaient la causer, la fin des temps ne risquait pas de survenir avant encore un long moment.

L'exploration de cette surface s'avéra de courte durée, puisqu'il rencontra des murs le restreignant tout le long de son corps. Sa seule marge de manœuvre se trouvait au niveau de ses pieds, mais il fut vite freiné par une nouvelle cloison lorsqu'il entreprit de partir de ce côté. Il ne détestait rien de plus que d'être enfermé, surtout dans un lieu aussi étroit qui ne lui permettait même pas de se mouvoir à son aise. Sa soif de liberté n'était-elle pas naturelle, lui qu'on avait gardé encagé ou enchaîné pendant la majorité de sa vie ? Il en vint donc à la conclusion qu'il se trouvait déjà en Enfer et qu'il serait obligé de passer l'éternité dans cette boîte minuscule, sans possibilité de libération. Il pouvait difficilement imaginer pire torture – excepté peut-être être emprisonné dans sa propre tête par un archange mégalomane ayant pris possession de son corps et être forcé de le regarder détruire le monde en portant son visage.

Il se força à prendre de grandes inspirations et à refouler la crise de panique qui ne demandait qu'à l'envahir. Il avait déjà assez perdu le contrôle de lui-même pour ses cent prochaines vies, il ne comptait certainement pas laisser son affolement lui enlever le peu de libre-arbitre qui lui restait. Ses instincts de soldat prirent rapidement le dessus une fois qu'il eut retrouvé le contrôle de lui-même et il commença à analyser son tombeau dans l'espoir de trouver la moindre faiblesse qui lui permettrait de s'évader. Au fil des minutes, sa vision s'habitua un peu à l'obscurité, ce qui était un bon signe, puisque ça signifiait qu'un peu de lumière devait forcément pénétrer dans sa prison. Et si de la lumière pouvait y entrer, ça signifiait que lui pourrait en sortir. À partir de ce moment, il ne tarda pas à trouver une minuscule ouverture à travers le mur métallique situé derrière sa tête. Porté par un regain d'optimisme, il poussa et frappa contre la paroi de toutes ses forces pour tenter d'agrandir cette fente ne serait-ce que pour parvenir à voir de l'autre côté du mur.

LE MUTANT ET LE MONSTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant