35. La dernière bataille

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Michael était occupé à observer la progression de ce qu'il considérait être son plus grand chef-d'œuvre lorsqu'il reçut l'appel. Niché près de ce qui était encore le Gange quelques heures auparavant, il s'amusait à regarder ces pauvres humains insignifiants se morfondre sur la perte de leur stupide fleuve sacré lorsqu'une voix retentit dans sa tête, aussi intelligible que s'il s'était agi de sa propre voix. « Michael », avait-elle murmuré avant de continuer d'un ton plus fort, plus assuré : « Michael, rejoins-moi dans le désert du Nevada, nous devons discuter. J'ai enfin pris ma décision. J'ai choisi mon camp. »

Au départ, l'archange crut qu'il s'agissait de Dean, qui avait trouvé un énième moyen de s'évader de la cage mentale dans laquelle il tâchait de le maintenir et qui essayait de l'ennuyer à nouveau avec ses hurlements, ses reproches et ses insultes. Et puis, il réalisa que la voix n'était pas du tout passée par le même canal que celui par lequel Dean se faisait occasionnellement entendre pour lui rappeler, à son plus grand malheur, qu'il n'était toujours pas le maître incontesté de ce réceptacle et qu'il ne le serait pas tant qu'il n'aurait pas retrouvé sa Grâce manquante. Non, cette étrange interpellation avait plutôt passé par l'intermédiaire dont sa fratrie se servait pour communiquer rapidement et facilement malgré la distance qui les séparait les uns des autres. Ainsi, ce ne pouvait être qu'un autre ange qui avait établi ce contact avec lui. Mais qui ? Lucifer ? Cette voix n'était certainement pas celle de son rebelle de frère, et de toute manière ils s'étaient tous deux entendus qu'ils attendraient la fin du quinzième jour pour se disputer le nouveau monde qui s'offrirait à eux, ce qui leur donnerait le temps nécessaire pour regagner toutes leurs forces d'antan. Mais si ce n'était pas Lucifer, alors qui...?

D'un seul coup, Michael comprit. Castiel, le gardien de l'épée. Son épée. Ce ne pouvait être que lui. Et après tous ces millénaires de séparation, à l'aube de l'Apocalypse, il avait probablement compris qu'il valait mieux se liguer du côté de Michael pour survivre et il comptait lui redonner son épée, celle que leur père lui avait si indûment confisquée à la suite de la dernière guerre céleste. Et avec l'épée, Michael serait certain de prendre le dessus sur Lucifer lors de leur ultime affrontement, qu'il soit ou non parvenu à retrouver sa Grâce manquante. Enfin, le vent tournait en sa faveur.

En un clignement de paupières, l'archange se téléporta dans le désert du Nevada, à la localisation précise où il sentait la présence de son petit frère. Castiel se trouvait bel et bien là, agenouillé dans le sable, les mains ramenées devant lui en prière et la tête levée vers le ciel coloré de l'aube. Michael se rappela qu'il faisait partie de ce petit groupe d'illuminés qui n'avaient pas perdu foi en leur père, qui le croyaient toujours parmi eux et qui prétendaient pouvoir entrer en contact avec lui et accomplir ses ordres. Quelle bande d'idiots ! Ne pouvaient-ils tout simplement pas accepter que Dieu avait quitté le navire il y avait bien longtemps de cela et qu'ils étaient rendus les seuls maîtres à bord ? Cette Apocalypse en était la preuve : jamais le Seigneur ne les aurait laissé toucher sa précieuse création s'il avait été présent dans cet univers...Et si sa progéniture avait eu la moindre importance pour lui, s'il avait tenu à autre chose qu'à lui-même.

-Castiel, comme c'est bon de te revoir ! s'exclama Michael en ouvrant les bras vers lui, mettant de côté pour l'instant ses problèmes avec son père. Tu m'as l'air en forme, mon frère ! Je vois que tu as enfin pu sortir de ma lame, cette prison dans laquelle notre père t'a si injustement emprisonné ! J'imagine que ces millénaires de solitude t'ont donné amplement le temps de réfléchir à tes allégeances, n'est-ce pas ?

-Oui, en effet, souffla Castiel en baissant la tête. Et plus le temps passe, plus je me conforte dans mes idées.

-Je suis heureux de l'apprendre, répondit doucereusement l'archange. Alors j'imagine que tu m'as interpellé pour me rendre mon épée ? C'est très astucieux de ta part, mon frère. Tu t'es ainsi assuré une place de choix auprès de moi lorsque je règnerai sur ce nouveau monde.

LE MUTANT ET LE MONSTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant