LE MUTANT ET LE MONSTRE

10. Trop de coïncidences

La salle commune était étrangement calme lorsque les Avengers y mirent les pieds, encore affublés de leur uniforme de combat. Tony s'était déjà préparé mentalement à ce que Peter les attende de pied ferme dès leur sortie de l'ascenseur pour leur faire regretter de l'avoir laissé derrière pour cette mission, mais l'adolescent ne vint même pas à leur rencontre.

-Peter ? appela-t-il avec inquiétude, et sa voix résonna à travers l'ensemble de l'appartement comme un fantôme faisant écho à ses angoisses.

-Dans la salle à manger ! répondit le garçon qu'il était venu à considérer comme son fils.

Comme Peter ne semblait pas près de venir les accueillir, il se dirigea lui-même en direction de la voix, le reste de l'équipe sur ses talons. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver l'adolescent en compagnie d'un pur inconnu, avec qui il s'amusait insouciamment à réassembler l'un des drones médicaux de Stark Industries qui s'étaient révélés défectueux lors des tests préliminaires. Les deux garçons levèrent à peine les yeux vers eux lorsqu'ils firent leur entrée dans la pièce, trop absorbés par leur minutieux travail. Tony, pour sa part, était bien loin de partager cette nonchalance.

Parce que ce garçon, qui ne semblait pas beaucoup plus vieux que Peter, n'aurait jamais dû se trouver dans cette salle à manger en présence de son protégé. Seulement un nombre très restreint de personnes avait accès aux appartements des Avengers et il avait lui-même repassé la liste au peigne fin pas plus tard que la veille pour s'assurer que les lieux étaient pleinement sécuritaires pour sa famille. Personne excepté lui n'était censé pouvoir être en mesure de modifier cette liste, et il avait la certitude qu'il n'avait jamais autorisé la présence de ce garçon à cet étage.

-Peter, qui est ce type ? demanda-t-il de sa voix la plus posée possible, mais Peter dut tout de même y percevoir son inquiétude, puisqu'il porta sur le champ son attention sur lui, les sourcils froncés par l'interrogation.

-C'est Dean, il est ingénieur mécanique et expert en technologies informatiques. FRIDAY l'a laissé monter, il aurait des informations importantes à vous donner. Mais comme vous êtes tous partis comme des voleurs ce matin...

-Éloigne-toi de lui, Peter, commanda-t-il d'une voix qui ne laissait place à aucune argumentation. Tout de suite.

Ce soudain changement d'attitude ne fit qu'attiser davantage les questionnements de Peter et du reste des Avengers, mais ils n'eurent pas la chance d'assouvir leur curiosité avant que Tony ne pointe son gant armé d'un propulseur chargé à bloc directement sur l'étranger. Bien sûr, en réponse à son geste, Peter fit exactement le contraire de ce qu'il lui avait demandé et se positionna en plein devant sa cible pour l'empêcher de tirer.

-Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria le garçon, imité par Steve, qui se plaça également devant lui comme si c'eut pu lui faire entendre raison. T'es devenu cinglé ou quoi ?

-Je ne sais pas comment ce gamin a fait, mais il ne devrait pas être là, se contenta-t-il de répondre. Personne dans cet établissement excepté moi peut donner l'accès à ces appartements à un civil, et je peux vous confirmer que je n'ai jamais vu ce petit crâneur de toute ma vie.

-Votre intelligence artificielle m'a laissé passer, monsieur Stark, répondit lentement le suspect d'un ton las et détaché. Elle est là, la réponse à votre mystère.

L'espace d'une seconde, leurs regards se croisèrent, et Tony sut sur le coup que quelque chose clochait avec ce jeune homme qui ne paraissait même pas ébranlé par l'idée qu'Iron Man le menaçait avec une arme potentiellement mortelle. Aucune peur ne se reflétait à travers ses yeux verts, seule perçait une lueur que le milliardaire ne parvenait pas tout à faire à cerner, mais qui n'aurait certainement pas dû illuminer les prunelles d'un si jeune individu. Il y nota néanmoins un aplomb et une confiance peu ordinaire pour une personne de son âge, comme si ce garçon avait déjà tant vu et tant vécu que plus rien n'avait le pouvoir de l'étonner. Sa manière de le regarder laissait penser qu'il avait pu prévoir tout ce que Tony allait faire avant même qu'il entre dans la pièce. Le milliardaire crut également discerner une pointe d'amusement passer à travers ses yeux, ce qui suffit à renforcer l'antipathie qu'il éprouvait déjà pour ce gamin.