Chapitre 4 - 3 : Retrouvailles (Edward)

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— Eh bien... Il va y avoir du travail, asséna-t-elle simplement.

Je restai, un peu hébété, et clignai des yeux trois ou quatre fois. Comment je devais le comprendre ? Je tournai la tête vers la domestique qui m'avait accompagné et croisai un sourire éclatant. Je supposai, un peu circonspect tout de même, que c'était plutôt bon signe.

— Pour commencer, miss Ladeuil, tenez-vous droite.

Je hochai la tête avant de me redresser de mon mieux, avec l'impression d'être aussi ridicule qu'un soldat au garde-à-vous.

— Toute votre posture est à revoir, siffla-t-elle d'un ton un peu agacé.

C'est à ce moment-là seulement que je commençai à réaliser.

Elle quitta l'arrière de son bureau, attrapa le trousseau de clés qui s'y trouvait se dirigea vers la sortie avec un signe de main.

— Venez, vous avez besoin d'une tenue plus adaptée pour travailler. Laissez ça, Nadine s'en occupera pour vous.

Elle ne s'était même pas retournée pour dire ces mots, mais je lâchai la poignée de mon sac en bandoulière, n'osant pas désobéir. L'autre femme, Nadine sans doute, m'adressa un petit clin d'œil tandis que j'emboîtais le pas de la silhouette longue et fine qui me guida vers le couloir.

J'avais réussi. Son commentaire avait été acide, et n'était qu'un avant goût de l'exigence à venir, mais il semblait que j'avais réussi à la convaincre de m'aider, sans trop savoir comment moi-même. Je levai les yeux vers la grande fenêtre qui donnait sur le jardin, y croisai un fragment de ciel d'azur, et eus un sourire fragile. Si ma mère avait été là, aurait-elle été fière de moi ?

Une fois arrivé dans la salle d'entraînement, je n'eus plus le temps d'y penser durant de longues heures. La danseuse m'avait sorti un body d'entraînement, des collants, des chaussons de danse classique, et sommé d'enfiler tout ça. À la vue des habits rose pastel, mon estime de moi en avait pris un coup. Mais le fait qu'elle me prenne comme élève était apparemment miraculeux, alors je ne pouvais pas me permettre de faire la fine bouche. Je m'étais donc retrouvé au milieu de cette pièce aux grands miroirs, me sentant ridiculement nu dans ces habits moulants, et, avouons-le, passablement laids, sous son regard profond comme un ciel nocturne.

Les premières leçons avaient plus relevé du dressage qu'autre chose, sa première préoccupation était dans un premier temps de travailler ma posture, agacée de me voir me tenir voûté. Quand elle avait pris mes omoplates pour les faire rouler en arrière et posé délicatement ses doigts sous ma mâchoire pour me faire changer de posture, j'avais réalisé que jamais dans ma vie, je ne m'étais jamais tenu correctement.

Fort de cette découverte, je suivis son premier cours, étirements, mouvements de base, répétés encore et encore. Je m'étais étranglé quand elle m'avait dit comment on faisait les pointes. J'étais censé peser sur mon orteil replié ?! Mais qui avait inventé ça ?! Chaque seconde, elle scrutait et commentait ce que je faisais mal, me faisant réaliser tous mes défauts simultanés.

Bientôt, je me retrouvai en sueur, faisant bien plus d'efforts que ce que je pensais possible. Et je n'avais même pas bougé de ma place, à côté de la barre. Il n'y avait pas d'horloge dans la pièce, mais, j'en étais sûr, deux heures au moins s'étaient écoulées quand elle m'accorda une pause. Derrière son masque impassible, impossible de savoir ce qu'elle pensait. Je pris la serviette que Nadine avait déposée sur la barre à pas de loup avant de venir espionner la séance. La présence d'une spectatrice me fit sentir encore plus pitoyable.

Je me disais vaguement que danser était facile, mais un quart d'heure avec Olga Fierceagle avait suffi à me faire réaliser à quel point je me trompais. Sortant le nez de ma serviette, je croisai mon reflet à travers les lunettes, mes cheveux ébouriffés et le visage rougi par l'effort. Je ne me reconnus pas dans la glace, et songeai en déglutissant que c'était exactement le but. Ne pas être reconnu. J'avais encore des contusions et autres écorchures un peu partout, mais elles disparaîtraient rapidement.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant