Le soir même, j'avais fait part à mon idée à Alphonse, qui fut presque enthousiaste. De la même manière que le voir maussade me fendait le cœur, il était triste de me voir me morfondre, et avoir un projet, un but, même s'il était peut-être futile à ses yeux, était un soulagement. Il m'avoua avoir vu une petite boutique vers le quartier sud et me promit de m'y emmener demain.
Pour la première fois depuis des semaines, je me couchai en espérant quelque chose de la journée à venir. Cette idée me rendit si nerveuse que j'eus du mal à dormir. Je me levai bien avant l'heure, et m'attelai à préparer des œufs au bacon dans une pulsion de motivation culinaire qui éclaira un peu le visage d'Alphonse quand il revint dans la cuisine et vit les assiettes fumantes. Il posa manteau et écharpe sur le dossier de sa chaise après s'être ébroué.
— Merci Winry, tu as eu une idée de génie.
— Pour une fois que j'avais faim le matin, je me suis dit que ça valait le coup.
— Carrément !
Al hocha la tête, et je vis en m'attablant qu'il avait les cheveux trempés.
— Il pleut dehors ?
— À torrents. Il paraît qu'il y a eu un glissement de terrain vers la Mairie.
— Hé bien... fais attention, quand même.
— T'inquiètes, répondit-il avant d'engloutir une bouchée d'œuf. Je suis pas en sucre.
Je mangeai à mon tour, lui jetant des petits coups d'œil en silence. J'avais envie de lui parler de Rush Valley, parce qu'au cours de cette longue nuit d'insomnie, j'avais eu tout le temps de me retourner dans mon lit et d'y penser, avant d'être bien obligée d'avouer que j'avais envie d'y retourner. Mais je ne voyais pas comment lui en parler. Parce que tant que nous restions ici, nous avions l'espoir qu'Edward puisse nous recontacter d'une manière ou d'une autre, et je sentais qu'il n'était pas prêt à abandonner ça. Si vain que ça puisse être.
— Toi, par contre, couvre-toi bien, rappela-t-il.
Il avait raison de me le rappeler. Cela faisait des jours que je n'avais pas mis les pieds dehors, et que je regardais le monde à travers la vitrine de la boutique, coupée de l'extérieur dans la tête comme dans les faits.
Alors, quand je remontai dans ma chambre, je pris le pull le plus chaud que j'avais embarqué pour le mettre par-dessus le précédent, des collants épais, et mes bottes noires, sentant mon cœur se pincer en me rappelant qu'Edward les avait portées pour se travestir. Puis je fouillai pour retrouver une écharpe et redescendis pour décrocher mon manteau de la patère de l'entrée.
J'avais pris des bagages pour l'été, et malgré toutes ces couches superposées, je sentis le froid me saisir quand nous poussâmes la porte pour aller chez le mécanicien dont Al m'avait parlé. Les soldats qui nous surveillaient nous emboîtèrent le pas, mais je ne pris pas la peine de leur tenir la porte. Leur présence était déjà assez agaçante comme ça.
Une pluie torrentielle nous accueillit une fois sortie de la maison. Je grimaçai et remontai ma fermeture éclair jusqu'au menton avant de déplier le parapluie et de me décider à quitter la verrière protectrice. Je devinais déjà que j'allais rapidement avoir froid.
— Rassure-moi, elle n'est pas loin sa boutique ?
— ... Pas trop.
Après trois quarts d'heure de marche sous une pluie battante qui n'avait pas tardé à traverser mon manteau et s'infiltrer dans mes chaussures, me laissant grelottante de froid, je notai à moi-même de me méfier de l'appréciation des distances d'Alphonse. Quand enfin, il désigna l'enseigne, je crus que j'allais pleurer de joie.
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Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulisses
FanficSuite aux événements de Dublith, Edward a disparu sans laisser de traces, laissant un grand vide dans la vie de son entourage. Où est-il ? Que fait-il ? Comment va-t-il ? Alors que les questions se bousculent encore, les uns et les autres sont empo...