Je fourrai les mains dans les poches et détournai les yeux pour regarder le fleuve qui fendait paresseusement la ville. Peu de livres parlaient de transmutation humaine et des Homonculus, et encore moins des Immortels. Dans ma vie, j'avais dû croiser ce terme une dizaine de fois en tout et pour tout.
— Un Immortel, celui qui a fait une pierre philosophale et peut vivre des siècles... Ce n'est pas une légende ? demandai-je ironiquement.
— La pierre philosophale est une légende aussi, fit remarquer Honhenheim.
— Bien vu. Ce n'est pas parce que personne n'y croit que ça n'existe pas...
— Il suffit de voir les Homonculus...
— Quelle différence avec les Homonculus... Tu es un monstre sans âme, toi aussi ?
— Moi... je n'ai jamais connu la mort, répondit-il. Et les Homonculus ont une âme, techniquement, elle juste très endommagée. La plupart ont des souvenirs de leur ancienne vie à leur naissance, mais ils s'étiolent assez rapidement. Ils perdent le peu d'humanité qui leur reste en quelques années.
— T'es beaucoup trop bien au courant de ces choses-là pour être honnête.
À ces mots, l'homme eut un petit rire.
— C'est vrai... je ne suis pas honnête. Je connais bien trop Dante et les Homonculus pour être une personne fréquentable, et j'ai fait plus d'erreurs que tu n'en feras jamais dans ta vie.
— Dante est morte, informai-je d'une voix neutre.
— Non, elle n'est pas morte, fit-il avec un sourire amer. Je le saurais si c'était le cas.
— On a retrouvé son corps coupé en deux dans sa librairie.
— Ça lui ressemble bien, ironisa-t-il. Elle a sûrement changé d'hôte, ça ne serait pas la première fois.
— Comment ça ?
— Elle aussi, c'est une Immortelle.
— C'est le Maître d'Izumi Curtis, mon Professeur d'Alchimie.
— L'un n'exclut pas l'autre. Elle est excellente Alchimiste, il y a beaucoup à apprendre d'elle.
— Dante a été assassinée par les chimères, insistai-je, me raccrochant à la culpabilité d'avoir indirectement causé sa mort.
— Bien sûr que non, elle ne peut pas avoir été tuée par une poignée d'hybrides ayant perdu leur chef... C'est une mise en scène de sa part, elle a toujours eu un côté racoleur. Elle s'est lassée de son apparence et a voulu en changer.
— Comment ça, lassée ?
— J'ai le même visage depuis plus de cent ans, je peux te dire qu'au bout d'un moment, ça devient difficile de se voir dans la glace.
N'importe qui d'autre aurait dit ça, je me serais moqué, mais je sentais bien que c'était la vérité. Il n'avait pas changé depuis mon enfance, après tout. Même son odeur écœurante de parfum était toujours la même.
— Mais les chimères, dans ce cas-là, pourquoi sont-elles mêlées à l'histoire ?
— Tu peux être sûr qu'elle a voulu créer un prétexte pour que l'armée puisse les traquer sans merci. Il faut dire qu'elles font du dégât.
Je hochai la tête. Dans le mois qui s'était écoulé, les Snake & Panthers avaient fait sauter trois ponts, dérailler deux trains de matériel de l'armée et vandalisé de nombreuses lignes téléphoniques, désorganisant terriblement l'armée dans la région sud. Malgré cela, entendre dire qu'ils n'avaient pas tué Dante me rassurait un peu. L'idée que celle-ci soit vivante, un peu moins.
Je me méfiais déjà d'elle quand je l'avais rencontrée, parce que son odeur me rappelait celle de mon père, parce qu'elle était trop persuasive pour être honnête. Mais là, j'apprenais qu'elle était immortelle et liée aux Homonculus, comme si j'avais besoin d'un ennemi surpuissant de plus !
— Comment peut-on tuer un Immortel ?
— La méthode la plus simple est de l'épuiser, comme on le ferait d'un Homonculus. Le tuer jusqu'à ce qu'il meure. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'énergie vitale que l'on contient n'est pas infinie. Très importante, oui, mais pas infinie.
— C'est de vies humaines que l'on parle, là.
— Je vois que tu as fais des recherches.
— Et toi, le vieux, tu as créé une pierre philosophale, du coup ? Tu as buté des gens pour ça ?
Ses yeux se voilèrent, et je sentis que c'était bien le cas, et qu'il en avait honte. Cela ne l'excusait pas pour autant, et une bouffée de colère me monta à la gorge.
— T'es vraiment dégueulasse, soupirai-je en tâchant de brider ma colère. Je ne sais pas ce qui t'a poussé à faire ça, mais rien ne justifie de tuer des innocents comme ça.
— En effet, souffla-t-il.
— C'est pas possible d'avoir un mec pareil en guise de père, grommelai-je. J'en viens à espérer que Maman t'ait trompé, au moins, je n'aurais pas tes gènes.
— Tu sais bien que ce n'est pas le cas, non ?
— Ouaip, elle était trop bien pour avoir fait ça, fis-je cyniquement.
— Aussi, mais ce n'est pas ce que je voulais dire.
Je ralentis, sentant qu'il y avait un sens caché.
— Ton corps a changé parce que tu t'es frotté de trop près à la Pierre, n'est-ce pas ? Ça t'a transformé, et ça a réveillé l'héritage que je t'ai transmis.
— Comment ça ? demandai-je avec l'impression d'avoir avalé une brique. Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
Comment il savait ça ?
— Tu l'as déjà senti, n'est-ce pas ? Être fils d'Immortel, ce n'est pas anodin, et entrer en contact avec la pierre philosophale n'est pas sans conséquence. Tu as sans doute remarqué des changements, des choses qui montrent... qui montrent que tu n'es plus tout à fait humain.
Cet odorat trop développé. Ce corps qui guérissait bien trop vite. Je réalisai brutalement qu'il disait la vérité, que quelque chose avait profondément changé, bien plus profondément qu'une paire de seins sur ma poitrine, que je n'étais plus le même depuis cette nuit-là. Je n'étais plus tout à fait humain. Que c'était irréversible. Et que c'était de sa faute. Que ce qui était arrivé, Dante, l'Armée, les Homonculus, tout était de sa faute.
Noyé dans un mélange de peur et de rage, je lui envoyai un direct du poing au visage et m'enfuis en courant, trop bouleversé pour entendre un mot de plus de sa part.
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Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulisses
FanfictionSuite aux événements de Dublith, Edward a disparu sans laisser de traces, laissant un grand vide dans la vie de son entourage. Où est-il ? Que fait-il ? Comment va-t-il ? Alors que les questions se bousculent encore, les uns et les autres sont empo...