Chapitre 8 - 2 : Doutes (Edward)

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J'ouvris les yeux en sursaut.

La pénombre bleuâtre de la pièce.

Le rectangle éthéré du vasistas qui se projetait sur le mur d'en face, découpé par l'éclairage d'un bâtiment qui arrivait à nous atteindre.

Le désordre de l'appartement à qui l'obscurité donnait des airs de monstres tapis.

Le silence immobile du cœur de la nuit.

Alors que mon cri et ma douleur continuaient à tinter en moi, que mon cœur tambourinait contre mes côtes pour s'enfuir, résonnant dans mes oreilles et ma gorge, battant jusqu'au bout des doigts, tout cela me paraissait totalement irréel.

Un cauchemar.

Je répétai plusieurs fois le mot dans ma tête pour lui donner plus de force, tandis que je me redressais, tremblant de tous mes membres

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Je répétai plusieurs fois le mot dans ma tête pour lui donner plus de force, tandis que je me redressais, tremblant de tous mes membres. Je restai assis là, les yeux hagards, écrasé par le souvenir de ce qui était, ce qui devait être un rêve. Pitié, que ce ne soit qu'un rêve.

Pourtant, l'intensité de mes émotions, de mes sensations, m'interdisait de laisser derrière moi ce moment qui m'avait écrasé d'horreur. Je me passai la main sur le visage, tâtai mes jambes pour me persuader qu'elles étaient toujours là.

L'Ouroboros.

Je baissai les yeux vers ma main gauche, craignant d'y voir le sceau des Homonulus, qui me prouverait mon inhumanité. Je ne vis rien, mais au cœur de la nuit, je la distinguais à peine. Ça ne prouvait rien.

Je tournai la tête vers le lit d'à côté, où Roxane dormait paisiblement. Je n'avais donc pas crié ? Cela me semblait absurde. Le contraste entre la torture que je venais de vivre et mon quotidien me donnait envie de vomir. Où était ma véritable vie ? Où était ma place là-dedans ?

... Est-ce que je n'avais pas une marque au creux de la main ?

Une partie de moi se raccrochait laborieusement à la réalité et me soufflait que c'était stupide. Que j'étais Edward Elric, l'Alchimiste d'État en fuite, et que, sous le nom de Bérangère, je vivais avec Roxane comme aspirante danseuse. Que tout allait bien, et qu'aucune de ces horreurs n'était réelle.

Rien n'y faisait, je sentais le besoin pressant de voir ma main, de me voir dans la glace, de me prouver que je n'avais fait que rêver.

Je me levai le plus silencieusement possible, tâtonnant un peu pour trouver la poignée de la porte que je tournai le plus doucement possible pour ne pas la faire grincer en sortant. Ma main tremblait sur le métal froid. Une fois dans le couloir, je sentis un courant d'air glacé me saisir. Presque en sous-vêtements dans un couloir non chauffé, ma chemise de nuit collée au dos par la sueur, je tremblais de tous mes membres en faisant les pas qui me séparaient des toilettes.

Quand, enfin, je refermai derrière moi la porte et allumai la lumière, je sentis ma gorge se nouer, la peur revenant me gifler à l'idée d'y découvrir quelque chose. Mais je baissai les yeux, ouvrai les doigts pour regarder ma paume. Une main dorée, striée de lignes et de ridules, à la peau molle, presque écœurante. Unie. Sans tatouage. Sans marque. Je la tournai sous tous les angles, vérifiant qu'il n'y avait rien, puis étudiai chaque parcelle de mon corps que je pouvais observer pour continuer à me rassurer, redécouvrant cette chair qui me semblait étrangère et qui était pourtant mienne. Quand je me tortillai pour tenter de voir s'il n'y avait aucune trace suspecte dans mon dos, je me rendis soudainement compte que j'étais stupide. Si j'avais été marqué, Al, Winry ou Roxane l'auraient remarqué depuis longtemps. Mon comportement était insensé.

Je poussai un profond soupir, et me laissai couler contre la porte, tombant assis sur le carrelage glacé de la pièce exiguë. La peur refluait doucement, tandis que la réalité reprenait peu à peu ses droits. J'étais humain.

Enfin, plus ou moins.

Le souvenir de la conversation que j'avais eue avec Honenheim à ce sujet me revint, et je grimaçai, soudainement envahi de rancune. Si j'avais fait ce cauchemar, c'était de sa faute, sans aucun doute...

Je me remémorai ce qui s'était passé ces derniers jours. Sur le chemin de la bijouterie, Roxane m'avait touché deux mots au sujet de mon père, qui était revenu au salon de thé dans l'espoir manifeste de me recroiser. Elle avait promis de m'en parler, et j'avais accepté à contrecœur d'y réfléchir en regardant avec Roxane les prothèses provisoires pour choisir le métal utilisé. Après cela, je dus laisser une femme étudier mes lobes d'oreille avant de les percer à l'aiguille. Il me fallut tout mon self-control pour ne pas m'enfuir en courant en voyant l'outil.

Ce fut finalement rapide, et pas si douloureux que ça, mais j'avais tout de même eu une bonne poussée d'adrénaline qui s'était fait sentir tandis que j'écoutais ma tortionnaire m'expliquer comment entretenir jusqu'à la cicatrisation. Une fois sortie du magasin, Roxane s'était exclamée que je lui avais broyé la main, puis m'avait taquiné à propos de mes angoisses sélectives... avant de me reparler de mon père. Je redoutais de le revoir, tenté que j'étais de lui mettre mon poing dans la gueule, mais quand elle m'avait soufflé qu'elle donnerait cher pour pouvoir revoir sa mère au moins une fois, je m'étais finalement senti obligé d'accepter, non pas pour lui, mais par égard pour elle. Dans les deux jours qui suivirent, elle fut l'intermédiaire de nos échanges, jusqu'à ce qu'un rendez-vous soit fixé, le dimanche suivant.

C'est ainsi que je m'étais retrouvé à la terrasse d'un café, face à mon géniteur, que je n'avais pas revu depuis mes six ans.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant