Chapitre 8 - 5 : Doutes (Edward)

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Voici comment mon père était brutalement revenu dans ma vie après m'avoir abandonné durant des années. L'homme mystérieux, le parent absent, l'alchimiste de talent, le tueur de masse et le traître, tout cela en une seule personne. Les nombreuses choses qu'il m'avait révélées m'avaient bouleversé. Répondre à mes questions, c'était une chose, mais m'annoncer d'une voix calme que je n'étais plus totalement humain, c'en était une autre. Et je ne parvenais pas à chasser ces mots de mon esprit.

Qu'est-ce que ça voulait dire, au juste ? Je me sentais déjà hideux avec mes automails et mes cicatrices, difforme avec ce corps féminin dont je n'avais jamais voulu, fallait-il en plus que je sois monstrueux ? Quelles allaient en être les conséquences ? Est-ce que ça allait avoir un impact sur mon espérance de vie ? La mort me menaçait souvent, et vieillir était pour moi une vue de l'esprit... mais si je survivais à tout ça, combien de temps serais-je sur cette terre ? Hohenheim n'avait pas changé de visage depuis des décennies, il me l'avait avoué lui-même. Est-ce que ce serait aussi mon cas ? Est-ce que je serai immortel ? Cette idée était glaçante, et je n'avais vraiment pas besoin de cette angoisse supplémentaire.

Depuis le cinquième laboratoire, j'avais traversé des épreuves, et surtout, j'avais commis des actes qui continuaient à me hanter. Quelquefois, sans raison apparente, le souvenir du passage Floriane me revenait brutalement et le craquement des vertèbres de l'homme sur qui j'étais tombé résonnait dans mes oreilles, me révulsant instantanément l'estomac. J'avais tué quelqu'un.

Un terroriste qui s'apprêtait à tous nous tuer.

Un humain.

La conscience de ne pas avoir eu le choix ne parvenait pas à effacer ce malaise, et je sentis que rien ne le ferait disparaître complètement. Et pourtant, je risquais de devoir tuer de nouveau. J'avais eu de la chance de n'avoir fait que des blessés sur mon passage au Quartier Général de Dublith. Et des blessés, il y en avait eu. Plus graves que ce que je pensais, peut-être. Y avait-il eu des invalides à cause de moi ? Des morts que j'ignorais ? Cette idée me terrorisa soudainement.

Barry le Boucher était un monstre, et il ne s'en était jamais caché. Le terroriste s'apprêtait à faire exploser un quartier entier et les dizaines de personnes qui s'y trouvaient. Il n'y avait pas d'hésitation à avoir.

Mais eux ? C'était de simples soldats, inconscients de ce qui se jouait en haut lieu, qui voulaient juste défendre leur bâtiment, leur pays. Si quelqu'un d'innocent était mort par ma faute, je ne me le pardonnerais jamais.

Jusque là, je n'avais pas réalisé à quel point j'avais besoin de savoir quelles étaient les retombées de notre attaque. Je m'étais fixé sur l'idée que je devais être quelqu'un d'autre, me créer une fausse identité, jouer un rôle pour me protéger et protéger mes proches. Je m'étais coupé de mon ancienne vie pour mieux disparaître aux yeux de l'armée et des Homonculus. Et j'avais assez bien réussi. 

Aux côtés de Roxane, je découvrais la routine d'une vie quotidienne, et avec son humour désarmant, elle me faisait remarquer à quel point j'étais inapte à vivre comme la majorité des gens le faisaient. Faire une lessive, un repas, chercher du travail... Je n'avais jamais eu à me poser ce genre de questions, et j'avais toujours vécu sans m'inquiéter du lendemain, entre ma jeunesse à Resembool et le salaire que j'avais eu en tant qu'Alchimiste d'État, qui était, je m'en rendais compte maintenant que je faisais partie des « gens du commun », proprement ahurissant.

Autrement dit, je vivais une vie normale.

Mais je n'étais pas normal.

Et mon ancienne vie me manquait. Pouvoir arriver n'importe où avec mes gros sabots en n'ayant qu'à montrer ma montre d'Alchimiste d'État, beugler, casser, reconstruire à grands coups d'Alchimie spectaculaire, me battre, dépenser mon argent, grand prince, et offrir des fortunes sur un coup de tête.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant