Chapitre 6 - 2 : Colocataires (Roxane)

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— J'ai... j'ai eu un problème avec la lessive, bredouilla-t-elle en posant le panier sur le lit.

— Quel genre de problème ?

La blondinette déglutit sans répondre, et je me levai de mon siège pour venir constater les dégâts par moi-même. Elle s'écarta et je me penchai, comprenant très vite ce qui s'était passé en voyant que le drap avait pris une délicate teinte rose pâle qui n'était pas la sienne quand il avait quitté l'appartement. Un peu horrifiée, je fouillai le tas, extrayant des chaussettes, culottes, taies d'oreiller, retenant un hoquet en constatant que ce joli petit haut bleu pâle était maintenant violacé et extrayant finalement une écharpe bordeaux que je lui brandis avec une exclamation.

— Tu as lavé tout ensemble ? Sérieusement ! ?

— Mais... je savais pas, moi, je voulais aller plus vite !

Je continuai à vider le linge en m'étranglant de désespoir. Tout mon linge blanc avait viré au rose, couleur que je détestais sans l'ombre d'un doute. Et comme je n'avais pas beaucoup de vêtements en ma possession, le coup au moral était dur.

— Oh non, pas elle, me lamentai-je en extrayant une tunique blanche à motifs que j'aimais particulièrement. Mais quel boulet bon Dieu, on lave pas le blanc avec du rouge, tu ne sais même pas ça ? !

— Non, je ne savais pas, mais ça arrive à tout le monde de faire des erreurs, non ? tenta-t-elle avec des yeux de chien battus.

— Mais, tu faisais jamais de lessive ou quoi ? m'indignai-je.

— Bah... non, fit-elle en se laissant tomber sur le lit avant d'enlever ses lunettes pour se frotter le nez, redevenant un peu plus l'adolescent que je connaissais.

— Mais... mais, mais, mais... tu lavais quand même tes fringues, rassure-moi ?

D'accord, Edward Elric avait perdu sa mère à neuf ans et errait sur les routes depuis ses douze ans, mais quand même, ce n'était pas une excuse pour être resté un gamin crasseux ?

— Baaaaaah... fit-il d'un ton hésitant en se grattant l'oreille, confirmant mes pires craintes. J'avais pas vraiment le temps en général, alors quand elles puaient, je les transmutais.

Je le regardai, complètement horrifiée, ce qui le fit rougir jusqu'aux oreilles. Il y eut un long silence gênant.

— Tu... tu transmutais tes fringues... pour les laver ?

Il hocha la tête avec une petite moue gênée.

— Tu... Transmutais tes fringues... Mais... tu les lavais jamais ?

— Mais si, je les lavais ! Bien transmuté, c'est comme propre !

— Mais c'est dégueulasse ! ! Tu veux dire que tes vêtements ne passaient jamais à la lessive ? !

— Si, des fois... quand je rentrais à Resembool, ou que j'étais hospitalisé, d'autres le faisaient pour moi.

J'aplatis ma main sur mon front, puis celle-ci coula sur mon visage pour me masquer la bouche, tandis que je fixais l'adolescent caché derrière l'identité d'Angie avec une expression désemparée. Qu'est-ce que j'avais mérité pour avoir une coloc pareille ?

— Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi, sérieusement ?

— C'est bon, j'ai jamais eu ce genre de vie « stable », je sais pas comment faire. On peut pas tout savoir, quoi, grommela-t-il.

J'avais eu le temps de le constater. Manifestement, Edward était plus au point pour survivre en milieu hostile que pour tenir une maison. L'entretien était pour lui un vague concept, et ses capacités culinaires ne dépassaient guère le poisson cuit au feu de bois et les œufs brouillés. Pour moi qui avais été orpheline aussi, certes, mais sévèrement cadrée à l'orphelinat Valencia, où, durant toute mon enfance, j'avais partagé les tâches ménagères, participé à la cuisine et à la lessive, ce genre de lacunes me paraissait inimaginable. Edward, ou Angie, peu importe, ignorait des choses que je savais depuis mes six ou sept ans. Et j'avais beau le savoir, chaque nouvelle preuve de l'étendue de son ignorance m'estomaquait un peu plus.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant