Chapitre 6 - 5 : Colocataires (Roxane)

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Depuis, j'avais gardé un œil attentif sur elle en ayant régulièrement l'impression de rattraper par la peau du cou un chiot qui courait vers le vide. C'était incroyable en la voyant de penser qu'il pouvait exister une personne aussi haut-gradé, avec autant de pouvoir, mais aussi si jeune et à côté de la plaque dans à peu près tous les domaines de la vie quotidienne. Cette première soirée m'avait donné un aperçu du genre de catastrophes dont elle était capable, et je songeais en mon for intérieur que m'avoir appelé pour ne pas revenir seule à Central-city était peut-être la meilleure idée de sa vie.

Toujours est-il que j'avais rapidement pris en main la gestion de notre budget et notre plan de bataille, et en deux jours, j'étais parvenue à nous trouver un travail dans un salon de thé. Le patron était assez irritable, mais Britten m'avait habituée à ce genre de caractère, et je n'en étais pas plus perturbée que ça. En revanche, je sentais bien qu'Angie mourait d'envie de lui voler dans les plumes.

J'étais souvent obligée de la tempérer pour éviter l'incident diplomatique, dont elle ne pouvait que sortir perdante étant donné ses maladresses dans le service. Je me demandais comment Edward avait pu rester dans l'armée aussi longtemps avec un caractère pareil. Son supérieur direct, ce Mustang, avait du mérite d'avoir réussi à le canaliser si longtemps.

Je devais avouer que je m'amusais beaucoup de voir ses yeux s'allumer et ses joues s'empourprer quand elle l'évoquait. Elle ne semblait même pas avoir conscience de ça, et j'avais pris le parti d'éviter de faire des remarques à ce sujet. Après tout, j'avais beaucoup d'autres occasions de la taquiner. Malgré tout, cette personne m'intriguait, et je me demandais avec un peu de curiosité à quoi il ressemblait, et si j'aurai l'occasion de le rencontrer à l'avenir. Si c'était le cas, j'allais devoir résister à la tentation de lui envoyer de grandes claques dans le dos en faisant des blagues sur le caractère ingérable d'Edward.

Retrouvant mon sérieux, je me repenchai sur la lettre que j'étais en train d'écrire. Il ne fallait pas tarder à nous coucher, il était déjà tard, et demain, nous devions aller travailler à l'Eternel et Thés, le salon de thé et pâtisseries à la décoration champêtre, dont le jeu de mots du nom me laissait un peu atterrée malgré le temps. Une fois notre service terminé, nous irions visiter toutes les agences de la ville, en quête d'un spectacle où nous pourrions faire nos premiers pas sur les scènes de Central. Une fois notre courrier achevé, mis sous enveloppe et timbré, nous nous glissâmes dans le lit que nous avions réchauffé de briques chaudes, puis éteignîmes la lumière, avec l'éternel suspens.

Qui de nous deux allait briser le silence en premier et commencer à refaire le monde, les yeux levés vers le plafond plongé dans la pénombre, au lieu de dormir pour affronter la journée de demain pleines d'énergie ?

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant