Chapitre 3 - 4 : Jour après jour (Roxane)

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Nous aurions dû être cinq à cette table, si seulement Berry n'était pas mort d'un accident de voiture en revenant de Fenief. Il s'était démené pour le projet, encore plus que nous peut-être, et la fatigue, associée au virage de trop, avait fait basculer sa voiture dans un précipice. En apprenant la nouvelle le lendemain matin, j'avais cavalé sur les lieux de l'accident, trouvant une Pénélope remontée comme un coucou. Elle avait littéralement collé aux basques de ses supérieurs pour obtenir une véritable enquête de leur part, faisant intervenir des personnes extérieures à l'armée, convaincue que sa mort n'était pas un hasard.

Elle avait obtenu d'eux qu'ils examinent de fond en comble les lieux du crime. Ils n'avaient trouvé ni trace de piège sur la route, ni signe de sabotage dans la voiture, ni rien de suspect à l'autopsie. Il y a deux semaines, l'enquête avait fini par aboutir à la seule conclusion possible : l'accident. Puisqu'il n'avait montré aucun signe de vouloir mettre fin à ses jours, le suicide était peu probable. Il s'était sans doute endormi au volant, sur une route qui ne pardonnait pas ce genre de moments de faiblesse. Et vu la lassitude que nous éprouvions tous à force de nous démener pour garder la ville à flot, cela n'étonnait personne.

L'événement avait été un gros coup au moral pour l'équipe, et Pénélope ne l'avait toujours pas digéré, sans doute parce qu'il avait gardé un œil sur elle quand elle s'était enrôlée, et lui avait fait éviter quelques écueils en la conseillant judicieusement. Elle avait gardé un caractère sévère, méfiant, dont personne ne lui tenait rigueur après la séquestration et les sévices qu'elle avait subis. Mais peut-être avait-elle toujours été comme ça ?

Dans tous les cas, sans la présence rassurante de Berry, nous n'étions plus aux yeux de l'armée qu'un troupeau de bonnes femmes désorganisées. Cette humiliation nous avait d'abord fait fulminer, mais, passé l'outrage, nous nous étions rendu compte que ce mépris pouvait tourner en notre faveur. S'ils nous croyaient incapables de faire quoi que ce soit, ils ne s'acharneraient pas à nous en empêcher. Nous avions donc continué nos plans de plus belle.

— Il y a peut-être une solution pour que l'on fasse marcher le commerce, dit Carine, rompant le silence songeur qui s'était abattu dans la pièce.

— Ah ?

— À long terme, il nous faut cette ligne de chemin de fer, mais ne nous leurrons pas, ça coûte une fortune à construire, ils ne le feront pas à moins d'avoir gros à y gagner. Mais en attendant, on peut tenter de commercialiser des choses de petite taille, à haute valeur ajoutée, qui puissent circuler facilement. Qui ne coûtent pas trop cher à transporter.

— Et qui ne se périssent pas.

— Pas de nourriture, donc.

— De toute façon, on peut difficilement se permettre d'en vendre, on en a à peine assez pour nous-mêmes.

— Mais quoi, du coup ?

— Je sais pas, des bijoux, c'est l'exemple typique.

— Ouais, « fin on peut pas dire qu'on soit experts dans le domaine.

— On est experts en rien, soupira June

— Si, on est experts en cul, grommelai-je. Mais ça, on a plus le droit de le vendre.

— La prostitution est interdite... mais le commerce du sexe ne se résume pas à ça, non ? Vu l'argent que les hommes venaient claquer ici, il doit bien y avoir un moyen de se faire un peu de sous ? On pourrait pas vendre des objets liés à ça ? De toute façon, des choses venant de Lacosta seront forcément connotées dans la tête des gens.

— Et si on vendait des boules de Geisha ? demanda June.

— Katalyn, sors de ce corps ! s'exclama Carine en riant. Depuis quand tu as des idées pareilles, Chef ?

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant