Night Driver

25| Alyos

Pourquoi je la détesterais ? Il y a une grande différence entre haïr et éloigner. Je ralentis, me rendant compte que je roulais sans même savoir où aller.

- Dis-moi où je dois aller.

- Je... Je ne sais pas répondit-elle en passant sa main sur son front, visiblement gênée.

- Comment ça ? Je rigolai. Je te dépose chez toi ?

- Non.

J'arquai un sourcil et empêchai mon sourire de me trahir mais c'était vraiment satisfaisant de la voir si gêner.

- Je t'aurais bien ramené chez moi mais je ne pense pas que tu puisses tenir toute la...

Elle m'assena trois coups de poings dans le bras, me faisant presque pleurer de rire. Elle fronça légèrement les sourcils et son nez se retroussa de dégoût.

- Ne me cherche pas !

- Ou sinon ? Je rétorquai ironiquement.

- Je vais te tenir éveillé toute la nuit.

Je rêve ou en deux secondes elle venait de rentrer dans mon jeu ? pensai-je impressionné. 

- Tu joues à un jeu dangereux...

- Arrête de parler et montre-moi ta villa digne d'un roi de gang.

- Rectification, mon nom est le Prince.

- C'est le pire nom.

Ce fût à mon tour de lui infliger ma torture, je glissai ma main sur sa jambe et la lui pinçait, elle se contorsionna pour échapper à ma poigne. Son rire éclata dans l'habitacle tandis qu'elle me suppliait d'arrêter.

Les mains sur le volant, je tournai mon visage vers elle une deuxième fois. Elle regardait la route, ses yeux fixaient la nuit désertique. J'ouvris la bouche pour lui confirmer notre destination.

- Roule avant que je ne change d'avis.

Alors j'appuyai sur l'accélérateur, collant mon corps au siège ainsi que le sien. Une autre femme qu'elle aurait hurlée et m'aurait crié de ralentir mais pas elle ; la mélodie de son rire envahit l'habitacle, provoquant un frisson tout le long de mes bras. La nuit nous entourait et seuls les phares de la voiture éclairaient la route. Les coyotes fuyaient dès qu'ils entendaient la voiture rugir et leurs yeux brillèrent un instant à la lueur des phares. Romanellia rit encore et je m'engageai sur une seconde route en terre, faisant trembler toute la voiture. Nous allions bientôt arriver chez moi et je me sentais nerveux à l'idée qu'elle voit ce lieu intime. Personne ne sait que je vivais ici, dans le sud-est du désert. Les mains crispées sur le volant je tentai de ne pas perdre mon sang froid et de faire demi-tour en lui disant qu'il serait mieux qu'elle rentre chez elle. Je ne devais pas changer d'avis.

Mais la vérité était aussi douloureuse qu'attendu. J'avais envie qu'elle voie cette intimité. Celle dans laquelle j'évoluai vraiment. Celle dans laquelle j'osai relâcher la pression.

Sa présence dans la voiture, la confiance qu'elle m'avait accordée en une minute, son rire dans des situation incongru, sa fougue. Tout en cette fille me donnait envie de vivre un peu plus longtemps que ce que j'avais prévu.

Le chemin en terre devint plus plat et bien plus agréable à pratiquer, je soufflai un grand coup avant de voir dans la blancheur des phares une petite maison sur deux petits étages s'étendre devant nous. Je me retins de repartir, comme si mon cerveau tentait de me convaincre que j'allais tout faire foirer ce soir.