Night Driver

39| Alyos

J'étais arrivé pour quelques minutes après le départ, ma tête semblait être encore embrouiller par le sommeil et mes jambes avaient du mal à me guider à ma destination. Pourtant, je ne pouvais oublier ses larmes, ses mots, son acte. Je ne pourrais jamais oublier ce qu'elle avait décidé de faire à ma place. Je me trainais alors vers la foule agglutinée devant l'écran. Je jouais des coudes, dissimulé sous une casquette, en espérant que l'on ne me voit pas. Aucun murmure n'avait été entendu à mon passage entre les spectateurs, ils étaient tous concentrés sur ce qu'il se passait. Je transpirais sous une grosse veste en cuir trouvé par terre, mais au moins on ne me reconnaissait pas. Je distinguai mes amis dans la foule et d'une démarche claudicante, je me postai à leurs côtés, mes yeux fixant l'écran comme si de rien était. Aïko me jeta d'abord un regard insignifiant avant de revenir m'observer. Il laissa échapper un juron en me voyant à côté. Louisa attiré par son copain choqué trouva mon regard. La tension dans la foule était comme palpable mais les cris d'encouragement ne cessaient, les suppositions sur les coureurs en tête n'étaient pas dissimulées.

- Je me disais bien que je ne reconnaissais pas ta conduite... fit Aïko en se massant le cou.

- Mais si tu n'es pas dans la voiture, fit soudain Louisa avec peur. C'est...

J'aquiesçai, une boule tomba dans ma gorge qui se resserra et m'empêcha presque de respirer. Aïko faillit me mettre un poing et de me crier je ne sais combien d'insulte mais Louisa le retint. Je tendis ma main devant lui.

- Je n'ai rien pu faire. Elle m'a planté une seringue dans la peau, j'ai dormi un long quart d'heure, le temps qu'elle soit déjà partie. Sinon je ne l'aurai jamais laissé faire, réussi-je à articuler avec amertume.

J'étais arrivé pour les deux derniers tours et je reconnaissais la conduite de Romy ainsi que celle de mon père. Ils étaient maintenant dans un duel dangereux. Mon père en deuxième position ne lésinait pas sur les chocs. J'entendis Aïko retenir son souffle à chaque étincelle de carrosserie s'envolant. Les drones suivaient de haut les voitures, nous offrant tout le potentiel mortel de cette course. De mauvais souvenirs revinrent et je faillis prier un Dieu auquel je n'avais jamais cru de me la ramener en un seul morceau. Tout le monde retenait maintenant son souffle. Aïko ne lâchait plus l'écran des yeux et moi non plus, Louisa jetait des regards soucieux autour d'elle comme si elle souhaitait s'enfuir à tout moment. Je la comprenais, le suspens était insoutenable et j'aurais aimé me terrer dans un trou jusqu'à la fin de la course.

- Chris et Alyos s'affronte, cria une femme dans l'assemblée, Notre Prince va y arriver il ne reste plus qu'un tour.

J'aurais aimé leur dévoiler que s'était moi, que je n'étais pas dans cette voiture et n'affrontait pas Chris. Qu'elle avait pris ma place et qu'elle méritais qu'on l'encourage sous son prénom et non le mien.

Quand soudain...

Mon cri rejoignit celui d'Aïko et de Louisa. La foule émit une inspiration de stupeur. Nos genoux cédèrent devant l'écran géant qui afficha soudainement d'autres voitures en course. Julien perché non loin descendit de son perchoir, abandonnant son poste. La foule laissait échapper des cris d'horreur.

- Le prince, il a...

Alors c'était son plan depuis le début. Le même que moi. Celui de mourir avec lui pour être sûr qu'il n'en réchapperait pas. Je fus le premier à m'élancé. Je fus rejoint par Julien. La foule resta immobile comme pétrifiée devant le reste de la course. Les premières voitures passèrent la ligne d'arrivée mais je ne me préoccupais plus de ça. Ma poitrine se compressa si fortement que ma respiration était cette fois-ci coupé pour de bon. Je suffoquai. Mon ventre se retourna et mes bras furent pris de convulsions incontrôlées. L'explosion se fit entendre au loin et je vis le nuage de fumée noire s'élever dans le ciel, recrachant les débris des voitures. La dernière chose qui me retenait de tomber en morceaux venait de s'effondrer. L'espoir.