8| Romanellia

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DEUX SEMAINES PLUS TARD

Aïko avait décidé de ne plus habiter avec nous. Cela faisait plus d'une semaine qu'il avait emménagé seul dans une petite maison en bordure de ville, non loin du désert. Chaque matin nous prenions un café ensemble à la cafétéria de l'université et chaque soir je suivais sa voiture pour trainer un peu chez lui. Notre relation s'était améliorée, j'essayais de ne pas penser à ce qu'il faisait de sa vie et lui ne m'en parlait pas. Louisa m'accompagnait souvent. Elle sortait l'excuse que je la comprenais mieux car j'étais une "gonzesse" et que parfois ça faisait du bien de discuter de règles et d'ongles entre copines.

Nous ne parlions jamais de ces choses, nous trouvions ce genre de sujets barbants. Louisa était une fille très simple et n'avait clairement pas sa langue dans sa poche. D'ailleurs, mon frère devait souvent la canaliser. Elle pestait à chaque feu rouge et à chaque voiture qui nous doublait. Elle avait, au fur et à mesure des trajets finit par devenir une amie. Je me sentais si bien en sa compagnie que j'avais commencé à me sentir mal auprès de Rose et Victor. Tout était si simple avec elle et on ne parlait pas que de l'université. Louisa était parfois trop honnête et ne tenait pas en place mais cela faisait son charme.

L'air s'engouffrait comme une tornade dans la voiture mais la chaleur était insoutenable les fenêtres fermées. Elle monta le son de la radio et hurla des paroles approximatives. Elle dansait sur son siège sous le regard attentif de mon frère qui semblait la désirer plus que tout, je retins un haut le coeur devant cette vision de mon frère.

Ce matin j'étais passé prendre les amoureux parce qu'ils avaient perdu la clef de la voiture d'Aïko dans un bar du gang. J'étais donc obligé de faire leur chauffeur. Cela m'exaspérait un peu mais de toute manière, nous avions planifié une petite soirée tous les trois ce soir.

Je ris plus fort quand Louisa sortit la tête par la fenêtre en hurlant sur un motard en accompagnant son geste par un geste obscène. La chanson se termina et nous continuâmes notre route vers la maison de mon frère. Deux semaines étaient passées depuis qu'il avait essayé de me dire quel rapport papa avait avec les courses. Il avait tenté de me le rappeler, en me disant qu'il fallait que je sois au courant et que ça me ferait plus de bien qu'autre chose, j'avais refusé. Mais ces dernières nuits m'avaient permis de réfléchir un peu. Je devais avouer que cette blessure du passé était encore ouverte. Je ne savais pas comment la refermer, j'essayai de faire mon deuil en me contentant de rester loin des souvenirs, des questions, j'essayai d'oublier. Mais un soir maman m'avait vu pleurer et comme à chaque fois elle avait compris que la brèche s'était rouverte et que je n'étais pas parvenu à garder cette brèche fermée, que les souvenirs m'avaient assailli. Elle m'avait dit à l'oreille : " Faire son deuil ce n'est pas oublier, c'est être assez fort pour revivre les souvenirs sans avoir envie de pleurer."

Je devais laisser une chance à Aïko, une chance de s'expliquer et faire mon deuil sur papa en affrontant mes souvenirs et mes peurs. Je devais forcément passer par la vérité.

Mais ce soir, la question n'était pas là, nous allions manger une pizza devant un bon vieux film. Pour fêter la nouvelle vie qui s'offrait à mon frère, une crémaillère calme. Apparemment il m'avait aménagé une petite place sur le canapé mais je ne savais pas encore si j'allais rester alors qu'ils étaient là -et qu'il n'y avait pas de porte à leur chambre-. Je ne voulais pas prendre le risque d'entendre quoi que ce soit qui ma marque à vie.

Maman avait essayé de m'empêcher de sortir ce soir, elle trouvait que je ne révisais pas assez. Mais je n'avais aucun examen pour le moment et je n'avais que des notes parfaites. J'avais envie de m'amuser au moins une fois dans le mois. Louisa sortait sans cesse et assurait en cours, j'étais bien capable de faire la même chose, mes notes ne changeraient pas. Je devais avouer que Rose et Victor n'étaient pas enchanter de ces sorties mais je ne leur demandais pas de venir. Je leur racontais seulement mes sorties rares avec Louisa et mon frère mais depuis que je leur avais raconté les fréquentations de mon frère je les sentais réticent devant mes récits.

Night DriverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant