Royce
12 ans plus tôt...
Je vais crever.
C'est sûr. C'est sûr que c'est à ça que ça ressemble quand on va crever.
J'ai l'impression de peser comme un camion citerne alors que c'est tout l'inverse. En vrai, je dois pas être plus lourd qu'un clebs. En tout cas, c'est moins que tous les types de mon âge. Ça fait trois jours que j'ai rien avalé. Ou alors quatre, j'en sais rien.
Le pire, c'est que j'ai même plus l'énergie d'avoir la dalle. Je sens plus rien du tout. Quand je vais sortir de ce cagibi - si on me laisse sortir un jour - j'aurais pas intérêt à traîner près du terrain vague.
Si les scorpions me chopent dans cet état, je suis mort. Je les ai pas mal cherchés ces dernières semaines. Ces gars sont à gerber. C'est tous des petites putes qui vendent leurs services au plus offrant, mais ils me massacreraient en moins de temps qu'il en faut pour dire merde. J'ai moyennement envie de me faire bouffer par ces insectes.
Mais les pauvres gangs et les camés du coin sont pas le pire. Le pire squatte cette baraque. Si je tombe sur lui comme ça, je suis fait. J'ai le cœur qui douille rien que d'y penser. Je suis sûr qu'il se rappelle même pas qu'il m'a foutu là. Personne s'en rappelle. Tout le monde s'en branle.
Même ma vieille.
Je me demande ce qu'elle fout. Elle a dû se piquer. En ce moment, elle doit être en train de planer ferme et de jouer les zombies au fond de sa piaule. Ou alors elle est en train de se faire sauter comme une chienne dans une chambre juste au-dessus. Mon estomac se réveille juste pour me donner la gerbe.
Y a un truc qui me chatouille le tibia. Ensuite ça me mord carrément. Putain ! Je me force à ouvrir les yeux pour regarder. D'abord, je vois rien. Il fait noir comme dans un trou de balle.
C'est un rat.
Bordel !
Manquait plus que ça.
Il est en train de me bouffer, ce bâtard. Je pisse le sang. Ça me dégouline sur les chevilles. Je trouve juste assez de force pour envoyer le rongeur s'écraser contre la cloison opposée avec ma godasse. Il couine en s'éclatant le crâne et retombe comme une masse. Si ça se trouve, je vais finir comme lui. Quand on viendra ouvrir ma cage, on trouvera deux animaux morts pour le prix d'un.
Y a rien dans ce trou. Juste des chiottes et des caisses vides qui dégagent une odeur de fruits pourris. Cette odeur, mélangée à celle de ma transpi, me donne envie de perdre l'odorat pour toujours.
J'ai un goût de poussière dans la bouche. Et je crève de chaud. À petit feu. C'est ça le pire. Pas la soif, ni la faim. Pas non plus ce placard trop étroit qui ressemble à mon cercueil et rendrait claustro un cadavre.
Non, le pire, c'est ce putain de soleil qui entre par une toute petite fenêtre pour plus rester piégé. La chaleur remplace tout l'air et j'étouffe. C'est pire qu'un sauna. Je suis trempé. Pour de vrai. J'ai les cheveux mouillés et mes fringues se sont scotchées à ma peau comme des algues. Maintenant je capte mieux l'expression "nager dans sa propre sueur". Moi je me noie carrément dedans.
Je décolle ma joue du parquet crade et j'essaye de rouler sur le dos pour savoir à quel point je suis dans la merde. Je me sens comme un vieux croûton périmé. Encore plus périmé que l'ancien qui tient cette échoppe moisie sur Ashby Street. Lui, c'est sûr qu'il morfle quand il se lève le matin, mais moi, j'ai à peine la force de bouger les bras. À chaque fois que j'essaye de me redresser, j'ai l'impression d'être déjà mort.
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Pure [Sous contrat d'édition chez HACHETTE ROMANS]
Romance-----[TOME 2]----- Il y a les secrets que l'on garde, le genre que l'on couve soigneusement et que l'on emmène jusque dans la tombe. Et il y a ceux qui sont faits pour être déterrés. Key Haven regorge de ces secrets. Quand l'un d'eux finit par explo...