Royce

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Oui, quoi ?

Allez, accouche, tu quoi ?

Je me crispe en attendant des précisions qui tardent à se pointer.

Bon, ça vient ?

Mais non. Elle est même plus avec moi, le coin des yeux plissé d'amusement, elle se marre doucement en fixant les danseurs dans mon dos. Putain, j'ai pas la patience. Je crochète vivement son menton en essayant de capter son attention défaillante.

- Eh !

Elle ne lutte pas et revient direct à moi. Là, elle me troue de ses deux billes océan avec lesquelles les néons arc-en-ciel déconnent. C'est pas vraiment océan, en fait. C'est plus une espèce de bleu absurde qu'on trouve généralement pas en boutique. Du délire. Un machin limpide qui tire vaguement sur le vert et te remue le bide sans que t'aies rien demandé.

C'est des yeux, Walters. Reprends-toi.

Ouais, juste des putains d'yeux. Pas matière à épiloguer. Qu'est-ce que j'en ai à branler qu'ils soient bleus, verts ou roses, de toute façon ? Ils sont clairs, point, à la ligne.

J'essaye de garder le cap malgré son regard curieux qui fouille sans frein les quatre coins de ma face. C'est dingue, elle me bigle comme si j'avais une carte routière de l'Alaska placardée sur la tronche. C'est pas le cas, à ma connaissance. Elle cherche quoi ?

Je marque un temps d'arrêt, vaguement déstabilisé.

Ça arrive que Lily me reluque. Sans m'avancer, je peux dire que ça arrive assez fréquemment. Cette fille aime regarder. Ce qui est moins commun, c'est qu'elle y aille aussi franco. En général, je la grille. Je la prends sur le fait et elle me fuit aussitôt en emmêlant ses doigts ou en rougissant de malaise. Là, on dirait qu'elle...

Elle est grise.

Ah ouais. La lèvre inférieure avancée dans une sorte de moue rêveuse et les yeux agrandis de concentration, elle me passe au peigne fin.

Toute ma gueule y a droit. Mon menton, ma bouche, mon nez, mes sourcils, mon front, mes tifs...

Ok.

Heureusement que je suis plutôt bien fait, elle rendrait n'importe qui nerveux avec son attitude. En vrai, c'est plutôt flatteur. Ça regonfle l'ego. Pas que le mien ait besoin d'être boosté, mais ça fait pas de mal. N'importe quel gars se rengorgerait d'avoir une meuf qui le reluque de cette façon, comprendre avec une collection d'étoiles dans les yeux. Je fais pas exception.

Pour les étoiles, c'est pas cent pour cent sûr, y a moyen que ce soit l'éclairage. Mais plus elle me mate, plus ses joues foncent et... bordel, c'est tripant ! Putain, ça fait quoi... deux minutes ? Et elle est déjà en train d'effriter ma rogne avec ses petits doigts. La bête est retournée pioncer, j'ai plus de ses nouvelles.

Lily fait ça. Elle gratte doucement avec ses ongles miniatures tout propres et bien coupés, et elle descend au calme toutes les barrières en tôle que tu te casses le fiak à monter. Elle pourrait le faire en sifflotant tellement ça parait simple. Pour la centième fois en un mois, je me demande comment se démerdaient ses vieux pour l'engueuler sans flancher.

"Garde-ça pour Mister nœud-pap", j'ai envie de grincer quand elle me fait cadeau d'un microsourire conquis.

Sûr ?

Ouais, non. J'ai rien dit.

Ensuite, je déchante parce que, qu'est-ce que ça a de si absurde ? Qui a dit que j'avais le monopole de son attention ?

Depuis que je suis entrée en collision avec elle le premier jour et que j'ai touché à la came de son regard collé à mes basks, je suis bêtement parti du principe que ça m'appartenait. Que c'était un délire à moi et que j'étais le seul à savoir ce que ça fait, quand cette fille-là vous dédie la version illimitée de son intérêt.

Pure [Sous contrat d'édition chez HACHETTE ROMANS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant