Royce

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Re-salut! Petit message pour préciser que j'ai posté deux chapitres aujourd'hui et m'assurer que vous ne manquiez pas celui d'avant . Bonne lecture!

. . . 

À l'occasion, ça m'est déjà arrivé de saigner des mecs à blanc, et là, je parle pas de thune. Quand Vadim avait besoin de délier des langues et de faire parler des tombes, j'étais le premier sur sa liste de contact. Son boucher préféré, un genre de bourreau VIP. L'éclate.

C'est pas plus compliqué que d'éplucher une pomme, comme job. Les règles du jeu sont simples : flirter avec la mort, l'effleurer de la pointe d'une lame histoire d'être crédible, mais sans jamais basculer totalement de ce côté. Ou en tout cas, pas avant que le "grand manitou" fasse pouce vers le bas. Là, comme un chien bien rodé dresse le museau au "va chercher" du maître, je m'occupais de trancher.

La défonce m'a rendu cette période aussi trouble que la bande périmée d'une vieille cassette des années 80. J'ai quelques vagues arrêts sur images qui tiennent bon, des fibres de mémoire.

Des sous-sols glauques, des planques aux éclairages sordides saturées de relents de pisse et d'hémoglobine séchée, des types sans identité qui se balancent paisiblement au bout d'une corde, ficelés par les poignets, les bruits de gorge répugnants qu'ils font quand ils sont proches de clamser... Je me rappelle surtout à quel point c'était salissant, plus que les partouzes ou les courses de moto dans la boue.

Ces anciennes visions sont enterrées depuis des plombes avec la coke, les sirènes de flics et tout le bordel qu'était mon existence avant qu'on me foute en cage. Ces derniers temps, ce flou m'arrange pas mal. J'aime mieux éviter de cogiter sur les mains crades de sang que j'ai pris la mauvaise habitude de poser sur Lily. Ou sur la façon dont elle me regarderait si elle avait ne serait-ce qu'une vague idée de l'étendue du merdier.

Elle pourrait pas le supporter. Des images pareilles lui feraient perdre connaissance, y avait des gars de chez nous qui gerbaient devant ce genre de spectacle et pourtant, eux n'ont jamais tété de biberons en or.

Cette fille ne pose pas des masses de questions et, même quand elle s'y risque, je lui fais rarement le déplaisir d'être précis. Je me doute qu'elle a probablement quelques pistes et que son imagination doit terminer le taf, mais je sais aussi que quelles que soient ses théories à propos de moi, y a peu de chance qu'elles fassent ne serait-ce qu'effleurer la vérité.

Ça m'arrange. Si elle savait... si elle m'avait connu avant, si elle avait vu ce que j'étais... je serais le climax de ses cauchemars au lieu d'un modèle pour ses gribouillages de pro.

J'ai beau éviter au max de ressasser cette période noire - ou rouge, peu importe -, je déroge à la règle à l'instant où la main de ce Mike entre en contact avec son visage pour lui caresser la joue. Une seconde, le temps qu'il faut pour se faire flasher par un radar ou déboîter une rotule, j'invoque ma mélasse de souvenirs et remplace les ombres troubles par la face de ce gars.

Il la veut.

Ça me paraît clair. On la veut tous les deux, la seule différence, c'est que lui en a le droit. Il en a le droit et les moyens.

La pensée s'infiltre comme un parasite et je l'encaisse de la même façon qu'un coup dans le foie. Cette image, eux deux face à face qui mélangent leurs respirations, c'est comme un avant-goût amer de ce qui m'attend dans un avenir très proche. Exactement comme Rachel l'a prédit. C'est peut-être pas pour demain ou après-demain, ce sera peut-être pas avec ce type-là, mais ça va arriver. Aussi sûr que deux et deux font quatre et que les meufs aiment les grosses bites.

Pure [Sous contrat d'édition chez HACHETTE ROMANS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant