Chapitre 9

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- Ouais, c'est ça, et moi, je suis Lady Gaga. Allez, circulez.

Exactement comme je l'avais espér... prévu, le chien de garde des enfers ne nous cédera pas l'accès au Royaume d'Hadès sans montrer les crocs. Ma foi, c'est fort regrettable. Comment ça, je n'en pense pas un mot ? Bien sûr que cela m'attriste, profondément même. Mais je crois qu'avec le temps, une bonne thérapie et beaucoup de kleenex... je m'en remettrai.

Ok, j'arrête.

- Puisque je vous dis que c'est sa nièce, bordel, s'échauffe Mia en me désignant. Ça crève les yeux, putain! Vous êtes myope ou quoi ? Faut consulter, gros.

- Et vous, vous êtes sourde ? Parce que je suis presque sûr de vous avoir répété au moins quatre fois que je peux rien pour vous. Vous pourriez être Beyonce que ça changerait rien. En plus, tes copains sont pas dans le dress code. Bougez, maintenant, vous bloquez le passage aux vrais clients VIP.

Le videur est plutôt impressionnant avec son oreillette, sa mine patibulaire de rottweiler et ses énormes muscles qui lui donnent l'air d'un meuble dans son costume noir. Et quand je dis meuble, je ne parle pas d'une vulgaire table de chevet. Ce serait plutôt une armoire. Une armoire à glace ! On dirait Will Smith dans la première - la vraie - version de Men in black, mais une mouture plus corpulente et bien moins sympathique. Je n'irais pas lui chercher des problèmes.

- Beyonce, Lady Gaga, vous avez un délire avec les chanteuses pop périmées ou quoi ? l'agresse Mia.

En ce qui me concerne, je trouve Beyonce indémodable.

- Je dois vous le dire en quelle langue ? 

- Essayez l'espagnol pour voir.

- Barrez-vous, s'impatiente Monsieur implacable en évitant de guigner les bras tatoués que Diego a sciemment croisés sur son torse et les biceps volumineux qu'Hunter s'amuse à faire tressauter, faussement menaçant. 

La colombienne a passé les cinq dernières minutes à tenir une joute verbale effrénée avec le videur de la boîte. Je la regarde faire d'un œil particulièrement distrait, mon attention éparpillée un peu partout depuis que Royce nous a faussé compagnie pour passer un appel téléphonique. 

À une dizaine de mètres sur la grande place, il nous tourne presque le dos. Son portable vissé à l'oreille, il écoute son interlocuteur en faisant distraitement tournoyer l'anneau de ses clefs de moto autour de son index. Je ne sais pas à qui il parle, mais il est particulièrement attentif et... pas moins avare de mots que d'habitude. Je ne le vois ouvrir la bouche qu'une fois par minute environ, le reste du temps il écoute.

Il ne fait pas les cent pas comme la plupart des gens au téléphone. Il ne danse pas non plus d'un pied sur l'autre pour départager le poids de son corps entre ses deux jambes. Il est juste immobile, le dos bien droit. Comme un soldat, mais en moins discipliné. De temps en temps, il se passe une main dans les cheveux ou sur la nuque et moi, je suis suspendue au moindre de ses gestes comme une étoile l'est au ciel. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à  décrocher mon regard de lui plus de dix secondes - quinze avec beaucoup de volonté -, quand il est dans les parages ? Ça me semble plutôt inquiétant.

Je me fais tristement penser à Marissa Moore, une camarade de collège. J'avais dû faire un exposé sur Hamlet avec elle, une fois. Je me souviens qu'elle avait développé une espèce d'obsession pour un certain Brad Trucmuche, un garçon un peu plus âgé que nous. Personnellement je le trouvais aussi inintéressant qu'à peu près tous les spécimens masculins qui croisaient mon chemin. Au lieu de faire des recherches sur Shakespeare pour mon cours de littérature, j'avais passé tout un après-midi cauchemardesque à écouter cette fille monologuer sur celui qu'elle appelait son "crush". 

Pure [Sous contrat d'édition chez HACHETTE ROMANS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant