Secrets

8

Alice se perdit rapidement dans ses pensées quand son père tourna la tête vers la femme qui venait de leur annoncer la mauvaise nouvelle. Elle attrapa le bas de son pull et commença à jouer avec. Elle devrait sûrement écouter leur conversation, mais elle n'en avait aucune envie. Elle n'avait pas envie de connaître tout ce qui allait se passer maintenant. Elle ferma les yeux et se revit avec Fred pendant le déjeuner. Il n'avait pas arrêté de l'observer pendant qu'elle mangeait. Elle se sentait tellement bien avec lui, et elle s'en voulait déjà de devoir le faire souffrir. Une main se posant sur son bras, lui fit relever la tête.

- Tu nous écoutes ? demanda Jacques en lui faisant un léger sourire.

- On peut y aller ?

- Je suis désolée Alice, mais nous devons passer par tout cela.

Alice tourna la tête vers la femme qui la regardait, en lui faisant un sourire, se voulant rassurant. L'adolescent se racla la gorge et se réinstalla sur sa chaise. Elle connaissait le docteur Corsène depuis toujours, ou du moins du plus loin qu'elle se souvienne. Elle avait été là pour la première fois, et serait là, cette fois-ci aussi.

- Je sais que tout ceci n'est pas facile pour toi Alice. Mais il faut que tu écoutes le processus, et tout ce qui va se passer par la suite.

- Et pourquoi au juste ? J'ai déjà été votre cobaye pendant des mois, et pour une chose qui n'a pas fonctionné. Je ne crois plus en vos promesses.

- Je ne t'avais jamais promis que cela fonctionnerait. C'était un essai et tu le savais très bien.

- Pourquoi s'acharner alors qu'il n'y aucune chance que je m'en sorte.

- Ce n'est pas vrai ce que tu dis. Bien sûr que tu as une chance, si tu y crois assez, tout peut arriver.

Jacques posa une main sur le genou de sa fille pour qu'elle se stoppe. Il lui fit un sourire et prit sa main pour tenter de la calmer. Il pouvait comprendre que ce soit dur, elle avait beaucoup souffert pendant ces six mois d'essais. Entre cela et ce qu'il se passait au collège, ça avait été, une année, dure pour elle. Alice reporta son attention sur son docteur.

- Et si je ne veux pas de traitement. Si je veux seulement vivre ce qu'il me reste de ma vie, sans traitement, sans acharnement. Je peux ?

- Alice.

- J'ai le choix non ? J'ai le droit ?

- Oui, tu as le droit, mais pas légalement. Étant donné que tu es mineur, tes parents sont responsables de toi, ce qui veut dire.

- Que c'est eux qui prennent les décisions, dit Alice en la coupant.

- C'est à peu près ça.

- Peut-être que l'on peut écouter ce que le docteur Corsène a, à te proposer, dit Jacques en regardant sa fille.

Alice soupira et cala son dos contre la chaise. Elle n'en avait pas particulièrement envie, elle ne voulait pas de traitement, mais son père la supplia du regard et Alice se résigna. Elle hocha la tête en direction de son docteur, et croisa les bras.

- Bien, dit le médecin en prenant des papiers. Dis-toi que si le traitement que nous t'avons donné pendant six mois, n'a pas fonctionné, ce n'est pas à cause de toi.

- Est-ce que d'autres personnes ont pu guérir ou pas ?

- Seulement trente pourcents des personnes qui ont fait l'essai.

- La chimio donc.

- C'est ça. Nous allons devoir commencer la chimiothérapie et rapidement, mais nous allons aussi devoir te refaire une biopsie de ta moelle osseuse. On veut vérifier si ta leucémie en est toujours au même stade.