6+ Clean it

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Je ne digère toujours pas le culot de ce bel homme. Cet échange grossier de nos prénoms contre des consommations que j'avais déjà réglées était ahurissant. Nous n'avons pas eu besoin de nous concerter pour nous mettre d'accord sur la position à adopter. Tant pis si ce fameux Chris reste dans mes rêves les plus fous, je ne m'abaisserai pas pour si peu. 
Cet événement nous pousse à rendre ma recherche plus active pour que je ne sois plus dépendante de l'humeur de Ryujin. Tant que je serai le caillou dans sa chaussure, il y aura toujours un risque qu'elle me dénonce et nous ne pouvons pas lui demander des comptes sur cette soirée chaotique. Je n'ai qu'un numéro à ma disposition pour résoudre ce problème et mon interlocuteur ne prend pas la peine de répondre lorsque je le compose. La voix sur le répondeur indique recevoir les potentiels intéressés pour la colocation chaque après-midi à quinze heures. 

— Tu te rends compte qu'il ne donne pas de date ? me fait remarquer Yeji. 
— On dirait le scénario d'un remake de Scream. Moi, j'y vais pas à ton truc, panique Yuna. 
— On ne va pas laisser Leah toute seule ? Elle ne sait même pas marcher droit. 
— Merci de croire en moi, les filles...

La voix de celle qui s'était isolée, jusqu'alors, dans son lit avec ses écouteurs après une matinée à faire la sieste et un repas pris au téléphone avec sa mère nous interpelle. Nous nous retournons vers Ryujin qui ne s'est toujours pas expliquée sur ses agissements de la veille et se complait dans son isolement. 

— Tu veux que je vienne avec toi ? 

Cette proposition inattendue réveille la possessivité de mes amies qui recouvrent soudainement leur hargne et capacité à affronter le danger, la fleur au fusil. Je me retrouve avec plus de monde qu'il n'en faut pour me mettre en route vers cet appartement mystère, possible guet-apens pour les jeunes étudiants désespérés. Une fois dans le quartier indiqué par l'annonce, Yuna m'informe avoir rangé un couteau à beurre dans la poche de son baggy tandis que Yeji place son sac devant son torse en guise de protection. Ryujin prend l'initiative de frapper à la porte et se positionne devant nous pour affronter la menace. Cependant, alors que mon esprit m'envoyait des images de monstre saisissant, je découvre un jeune homme sûrement plus fin que moi, me dépassant de quelques centimètres, les cheveux gras lui retombant sur les yeux. Son t-shirt trop court qui ne couvre pas assez son caleçon est l'un des indices qui me font comprendre qu'il n'est pas sorti de cet endroit depuis un moment, si ce n'est l'odeur qui se dégage de son corps. 

— Tiens, donc. Shin Ryujin devant ma porte. 
— Si j'avais su qu'on venait chez toi, Sangoo, je leur aurais épargné le déplacement. 
— Vous venez toutes les trois pour la visite ? demande-t-il en ignorant la remarque de celle qui lui fait face. 
— Non, juste elle, me pointe du doigt Yuna. 

Je commence à hésiter à avancer dans ce lieu qui cumule bon nombre d'emballages par terre quand ce ne sont pas des vêtements. Ma situation est cependant si précaire qu'il m'est difficile de me baser sur mes standards si je souhaite avoir un toit. Après une grande inspiration, je pénètre dans l'antre du bazar. L'odeur de renfermé se mélange à celle de la poubelle qui n'a pas été vidée. Quelque chose doit moisir dans le coin et nous prend à la gorge. Le dénommé Sangoo n'en tient pas compte puisqu'il m'informe que chaque meuble abimé devra faire l'objet d'un remboursement. 

— Il parle de son canapé déchiré ? chuchote Yuna. 
— Au premier qui s'assoit dessus, le machin se casse la gueule. Leah, un conseil, apprends à rester debout, réplique discrètement Yeji. 

La table basse n'est pas localisable sous la montagne de magazines pornographiques étalés et des restes de repas de plusieurs semaines. Sangoo ne doit pas s'embêter à faire la vaisselle si je dénombre les contenants des plats préparés. La cuisine, quant à elle, ne sert que de local poubelle dont je m'empresse de fuir la vision pour découvrir une salle de bain quasiment vide. Celle-ci ne contient qu'un gel douche bon marché, une brosse à dents et un dentifrice. J'essaie de voir en cela un point positif d'endroit épargné par l'amoncellement de détritus. Je n'ai malheureusement pas ce plaisir en constatant que la faïence des toilettes a irrémédiablement changé de couleur pour des raisons évidentes. Cette visite se poursuit jusqu'à une porte côtoyant la chambre de cet individu inquiétant. Ce qui est désigné comme mon possible futur lieu de vie ressemble à une remise si petite qu'à part un matelas au sol et des étagères accrochées au mur, rien ne rentre. 

— Tu lui demandes combien pour ce taudis ? lance Ryujin.
— 686 000 wons (environ 500€). Avec obligation de participer aux tâches ménagères et aux courses. 
— Dites-moi que je rêve, s'énerve celle qui ne reste pas une minute de plus. 
— Les logements étudiants sur Séoul sont quasiment impossibles à trouver, m'informe l'hôte avec un sourire pervers. Tu as jusqu'à 22 heures pour me répondre avant que je n'augmente le loyer. 

La menace coupe le souffle à mes deux complices et achève d'effrayer mon instinct de survie. Ma tête se hoche pour confirmer que j'entends ses indications mais je m'empresse de fuir pour ne plus me sentir sous les coups de la menace voilée. Cette sensation d'oppression me poursuit tandis que je cours pour mettre un maximum de distance entre la représentation du dégoût et moi. Yuna et Yeji en sont tout aussi choquées et nous ne prononçons aucun mot jusqu'à notre retour dans la chambre universitaire. Je fais alors un amer constat qui relève bon nombre de points négatifs. 

— Ryujin s'est encore enfuie...
— Elle nous laisse constamment tomber, cette fille n'est pas stable, constate Yeji. 
— En plus elle le connaissait. Elle aurait pu nous dire qui était ce type répugnant, s'offusque Yuna. 
— Vous n'avez jamais entendu parler de lui pendant votre première année ? 
— Non, pas en fac d'anglais, me répond Yeji. Il appartient sûrement au monde du sport. Mais cela doit nous servir de leçon. Il ne faut pas lui faire confiance. On doit se méfier de ce qu'elle propose et de son attitude lorsqu'elle fouine à nos côtés. 

Cela me blesse de devoir le reconnaitre mais cette nouvelle action ne joue pas en la faveur de celle qui a fait son apparition dans nos vies et ne cesse d'accumuler les erreurs. 

Le Coloc Idéal : dans tes rêves, Lee Minho !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant