9+ Leah, Park Leah.

3.6K 289 135
                                    

Je suis certaine que cette journée peut être mienne. J'ai mis toutes les chances de mon côté pour me lever de bonne heure et pour suivre attentivement les premiers cours de ma scolarité universitaire. Le karma ne peut que m'offrir son aide afin que cet entretien avec le fils du diable se passe bien. Une table pour deux au Cheese Café a bien été réservée et il me faudra patienter plus d'une heure avant que Yuna et Yeji ne me rejoignent. Je serai donc seule dans l'arène et devrai compter sur ma répartie pour faire pencher la balance des négociations en ma faveur. Mon objectif principal est la baisse du loyer, quitte à devoir accepter davantage de ménage. J'aurai tout le temps pour lui parler du rôle qu'il devra jouer auprès de mes parents lorsque le bail sera signé. 

A mon arrivée, je suis accueillie par le barman de l'autre fois et une jeune femme. Celle-ci ne cesse de regarder sa montre, comme si elle était attendue ailleurs. Peu de clients occupent la zone, la vie étudiante ayant rappelé à tous les charges quotidiennes. Mon attitude ne trompe pas. J'ai le dos raide et les mains moites. A chaque passage sur le seuil de la devanture, je sursaute comme si ma dernière heure était venue. Le barman se permet de me ramener lui-même la commande, n'ayant pas d'autres actions à faire. 

— Et un mojito pour la demoiselle. Je suis Hyunjin et serai là pour te concocter les meilleurs cocktails alors n'hésite pas. 
— Merci. Je pense que je peux déjà te demander d'en préparer un deuxième. 
— Oula, une mauvaise nouvelle à oublier ? C'est déjà la rentrée qui fait cet effet ? 
— Non, plutôt une négociation qui s'annonce harde. 

L'univers a entendu mes pensées et allume les spots pour m'indiquer que mon heure est arrivée. Sangoo passe la porte avec un air renfrogné et n'affiche aucune joie en m'apercevant. S'il semble légèrement plus habillé que samedi, je constate que l'odeur n'est toujours pas aussi fraiche que la rosée. Je fais un effort incommensurable pour ne pas plisser le nez alors qu'il s'installe devant moi et fait glisser le verre de mojito pour en boire une gorgée. Mes yeux papillonnent de stupéfaction tandis que ma bouche a oublié comment s'y prendre pour répliquer. Je me rappelle alors que je ne dois pas attaquer tant que le loyer ne sera pas à mon avantage. 
La silhouette du jeune homme travaillant avec Chris et Hyunjin, le weekend dernier, fait son entrée au même moment. A la façon dont il reçoit un torchon sur le torse, je comprends qu'il représente la relève de la jeune femme, peu ravie de l'attente subie. Son regard se pose très vite sur la table à laquelle je me trouve et il ne prend pas la peine d'être discret dans son commentaire. 

— Qu'est-ce qu'il fout là, ce con ? 

Sangoo se retourne avec lenteur pour découvrir l'auteur de ce message plein de sentiments néfastes et lui adresse un doigt d'honneur équivoque. Si Ryujin ne porte pas mon futur colocataire dans son coeur, il en est de même pour cet inconnu. J'ignore jusqu'où va son impopularité. 

— Bon, allons droit au but. Tu as deux jours de retard sur la proposition donc...
— Hey ! nous interrompt l'employé. Je me présente, je suis...
— On s'en fiche de qui tu es et on n'a pas encore décidé de commander donc tu peux dégager, déclare Sangoo.

Celui-ci s'étonne de se faire rembarrer sans ménagement et attend de moi une réaction, mais il me faut effectivement un peu de calme pour détendre mon adversaire et espérer le faire fléchir. J'aurais peut-être dû porter un décolleté comme me l'a suggéré Yuna. Le pull à col V qui couvre mon corps est parfait pour affronter le vent de ce début de septembre. La capitale n'est pas réputée pour connaitre un début d'automne agréable. Discrètement, j'abaisse la zone enveloppant ma poitrine et affiche un sourire radieux pour faire passer de bonnes ondes à mon voisin d'en face. 

— J'ai pas envie de perdre mon temps donc écoute attentivement. Je te propose un arrangement qui t'évitera la paperasse. Pas besoin de s'embêter avec le bail, tu vivras chez moi, tu me règleras ta part de loyer et tu t'occuperas des tâches ménagères. Une simple poignée de main suffira à sceller l'accord. J'suis sympa, je le laisse au premier prix indiqué. 

Je ne sais qui de moi ou du serveur inspire bruyamment pour signifier la surprise. Cet arrangement est ouvertement inéquitable et respire la magouille à plein nez. Il suffirait d'une crise pour que je finisse à la porte sans recours juridique pour me défendre. 

— Bien tenté, mais tu peux déjà oublier cette proposition. 
— Ouai. Elle refuse, intervient le serveur qui agite son stylet en ma direction. 
— Veux-tu bien t'en aller frotter quelques verres pendant que cette demoiselle et moi discutions de notre futur emménagement ? s'agace Sangoo. 
— Non... car... tu as un verre et pas elle. J'attends sa commande.
— C'est le sien. 
— Que tu as vidé à moitié ? Vous êtes en couple ?
— Oh que non, réponds-je avec un peu trop d'énergie, ce qui n'échappe pas à mon voisin d'en face. 

L'intrusion manifeste et la curiosité mal placée de cet employé devrait contracter mes nerfs, mais ses allusions protectrices ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd. Même si je ne suis pas douée pour les relations amoureuses ou sexuelles, je suis consciente des regards insistants qu'il portait sur moi lors de mon premier passage dans le bar. J'ai attiré son attention mais il n'est pas venu m'aborder, se contentant de passer par un autre pour obtenir mon prénom. Ces attitudes puériles m'ennuient la plupart du temps, me faisant préférer les hommes qui assument leur désir plutôt que ceux qui tournent autour du pot. 

— Il est où, ton patron, que je lui dise deux mots sur le côté intrusif de ses employés ? 
— Je ne fais que conseiller cette charmante demoiselle. La table à l'autre bout du bar possède une meilleure ambiance olfactive, si je puis me permettre. 
— Nous sommes en pleine négociation sur mon appart, donc arrête de nous interrompre.
— Pourquoi vous auriez besoin de parler de ton piège à rats ? Tu n'es pas la coloc de Ryujin ? 
— Euh... si. Enfin... 
— Elle loge illégalement chez ta pote. C'est bon ? Maintenant tu nous lâches ? 

La vérité sur ma situation ébranle celui qui penchait de mon côté, au point qu'il commence à s'éloigner, en cherchant ce qui doit être son téléphone dans sa poche, pour nous laisser l'intimité que nous souhaitions. La honte me submerge et je fuis le regard de celui qui assume déjà une probable victoire dans notre entretien. Je me tâte à envisager les goshiwons pour mon honneur et ma fierté, quitte à m'engluer un peu plus dans ce pétrin et cherche discrètement la hanse de mon sac. 

— Alors, Leah. Es-tu prête à aligner les billets ? s'amuse Sangoo. 

Les pas qui distançaient cette silhouette intrusive de nos corps s'arrêtent, me laissant deviner que le serveur a un dernier mot à partager. 

— Leah ? Park Leah ? 


Le Coloc Idéal : dans tes rêves, Lee Minho !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant