CHAPITRE XCI - L'AUBE

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Comme les piliers éternels de la justice et du bien, ils demeuraient droits et inébranlables. Tous les trois rassemblés sur le pont, ils scrutaient l'horizon sans dire mot. Ils attendaient, tous simplement.

Ils avaient entendu les cris, avaient ressenti les secousses, avaient vu les éclairs. Sous leurs yeux, le palais de la nuit s'était effondré, comme aspiré par le gouffre des catacombes dans un fracas assourdissant. Puis, il n'y eut plus rien. Le calme. L'écho du vent.

Déjà, les premiers rayons de soleil commençaient à percer le voile de brouillard obscur.

- Alors, ça y est... balbutia Jorge. L'aube est là. Est-ce que... Vous pensez que ça veut dire que...

- Non, répondit Zell sans cligner des yeux.

Le soldat interrogea son camarade du regard. Haru avait les yeux fermés. On aurait pu la croire endormie, mais on pouvait lire une grande concentration sur son visage crispé. Lentement, elle souleva ses fines paupières et ses grandes pupilles vertes se fixèrent sur l'horizon.

- Quelque chose vient. Une armée. Une cinquantaine d'individus, environ.

Jorge se mit à trembler. Il était à la fois terrifié par la perspective d'affronter une horde furieuse et le déchirement de savoir son capitaine défait. Etait-il vivant ? Etait-il sauf ? N'écoutant que sa hargne, il se changea en ours et fit craquer ses phalanges.

- Merde... Après tout, s'il faut se battre, on va se battre !

Malgré la peur, cette rage de combattre était sincère. Ces mots étaient prononcés avec suffisamment de ferveur et d'engouement pour lever toute une armée. Pourtant, il n'eurent aucun effet sur Zell : sans dégainer ses lames, il se hissa sur le bastingage, s'accrochant aux cordages. De nouveau, son regard se fixa sur l'horizon sylvestre.

- Ça ne sera pas nécessaire, trancha-t-il.

Les bois obscurs semblèrent s'écarter, se diviser au passage des vainqueurs comme une haie d'honneur. Progressant sur leurs racines, épuisés, l'écorce abîmée, les Moringens accouraient avec une expression triomphale, leur bois fendu de sourires éreintés. De leurs gueules boisées, des cris victorieux s'échappaient.

Dans le ciel au-dessus d'eux, une lueur dorée brilla. A bout de bras, l'armée sylvestre portait ce petit bout d'homme, à peine conscient, dont les boucles blondes reflétaient les premiers rayons de soleil. De son bras droit couvert d'ecchymoses, il levait son Excalibur, dont la lame dégainée illuminait la nuit. L'aube était là.

Jorge tomba à genoux, laissa échapper un hurlement de soulagement en serrant sa tête dans ses grosses pattes. Haru ne put réprimer un sanglot d'émotion, vite ravalé pour laisser place à sourire naissant. Lorsqu'elle tourna la tête vers Zell, elle vit que son regard était toujours aussi droit. Il ne bougeait pas. Il ne souriait pas. Mais de ses yeux gris perlèrent deux petites larmes, qui roulèrent comme des diamants précieux sur ses joues.

Tout était terminé. Ils étaient victorieux.

...

Avec leurs longues racines, fortes et souples comme le lierre, les Moringens étaient parvenus à s'échapper des catacombes. L'attaque d'Arthur avait été si puissante qu'elle avait réduit en poussière tout ce qui restait de l'empire de Néphila : son palais, sa ruche... Tout était détruit. Mais de cette destruction, les Moringens victorieux semblaient ravis. Ils allaient pouvoir reprendre le contrôle de leur paradis sauvage, de leur île adorée. Grâce au jeune chevalier, Néphila était vaincue. Grâce à eux, il avait pu vivre. Maintenant que son combat était terminé, que l'effet de la légendaire sève commençait à s'estomper, Arthur se laissa aller à la fatigue, à la paresse, et ferma les yeux.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant