CHAPITRE CLXXVIII - AU-DELÀ DU MILLIARD

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Le givre crissa sous le poids du Lion Rouge, qui roula jusqu'au bas du flan montagneux comme une boule de neige inarrêtable. Il avait senti le sol se dérober sous ses pieds, s'était senti happé par le vide et avait vu Jane lentement disparaître. Il était à peine conscient lors de sa chute, mais jamais n'avait lâché son fils. Dès que l'attaque ennemie avait frappé la montagne, il l'avait attrapé et serré dans ses bras, comme un bouclier indestructible protégeant un cœur palpitant de vie. Et tandis qu'ils gisaient là, tous les deux dans le blizzard de Winheim, il n'osait mettre fin à leur étreinte de peur de découvrir son enfant blessé. Il souffla son nom une fois, puis une autre, et le serra plus fort encore lorsqu'il le sentir remuer contre lui. Il était sonné, mais sauf.

- Tu n'as rien, Père ? murmura l'enfant d'une voix endormie.

Les côtes de Kegaro le faisaient souffrir, de même que son dos. Ses vêtements avaient été lacérés dans sa chute et de longues plaies traversaient maintenant sa chair. Le sang chaud qui en ruisselait se transformait aussitôt en perles rouges et glacées.

Doucement, l'enfant s'approcha de son père et parcourut sa peau meurtrie de son doigt. Il comprit le sacrifice que l'homme avait fait pour le protéger et, ému, le serra dans ses bras. Alors, le Lion Rouge attrapa sa main et la caressa avec tendresse. Son petit Lion était sauf, c'est tout ce qui comptait.

- Comme c'est touchant.

La voix, nasillarde et provocatrice, avait résonné dans le blizzard comme une menace. Les deux Powathis en cherchèrent la source et, aussitôt, levèrent les yeux au ciel : ils étaient là. Deux êtres volants, aux grandes ailes d'or, la tête auréolée.

- Deux petits Powathis perdus dans la neige, gloussa le plus maigre de sa voix haut-perchée. De quoi sont-ils capables, à ton avis ?

- Pas grand-chose, souffla l'autre d'une voix de contrebasse. Naïa pense vraiment nous divertir en nous chargeant de ces deux misérables ? Quel ennui...

Sans prendre la peine de les écouter, Kegaro dégaina sa Garra et se plaça entre les deux assaillants et son fils. Celui-ci tremblait, mais le froid n'en était la seule cause : il avait peur. Depuis toujours, Hataro avait été effrayé par la violence. Mais depuis les récents événements, après tout ce qu'il avait vu hors de son île, il ne l'était que d'autant plus. Son père le savait très bien et, loin de le forcer à le combattre pour l'endurcir, l'écartait systématiquement pour ne pas le mettre en danger.

- Cours te mettre à l'abri ! lui cria-t-il. Je me charge de ces manants !

- Manants ? s'offusqua l'ange le plus maigre. Nous sommes des êtres supérieurs, ignorant ! Et fois de la grande et suprême Luci je vais, moi Tria, te donner une bonne correction !

Il tourbillonna dans les airs et cria de sa voix nasillarde :

- Géométrie de combat - Losangélique !

Aussitôt, son corps aux reflets dorés se tordit comme s'il était dépourvu d'os pour adopter la forme parfaite d'un losange. Ramassé sur lui-même comme s'il avait été plié, il continuait de jubiler.

- Admire la puissance du fruit géométrique, ignorant ! Mes quatre côtés sont maintenant de longueur parfaitement égale !

Kegaro observait cette étrange transformation avec davantage de dégoût que d'inquiétude. Mais comme le combat ne devait jamais être pris à la légère chez les Powathis, il se tint prêt à se battre.

- Je ne sais ce que sont ces pitreries, étrange oiseau. Mais sur mon honneur de chef, je vais t'affronter comme un adversaire digne !

De nouveau, l'ange Tria parut se vexer.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant