CHAPITRE XC - FLUIDE

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Néphila demeurait muette et immobile face à l'insolence de l'enfant qui lui faisait face. Certains auraient pu la croire impressionner, voire intimidée, mais en réalité, elle bouillait de rage. Maintenant qu'elle avait massacré toutes ses guerrières désaxées, le jeune soldat demeurait seul face à elle. Ils n'étaient plus que deux sur cette scène, où les rayons de la lune étaient braqués. Mais elle avait la ferme intention d'y demeurer seule, reine des cendres et des ruines s'il l'eut fallu. Alors, dans un hurlement bestial et furieux, elle se jeta sur son adversaire.

Mais Arthur était bien décidé à ne pas se laisser faire. La lame heurta les crochets dans un fracas assourdissant, le sol vibrant sous les pieds des deux duellistes. La bête était rapide, vive et agile, mais bien moins que le soldat qui bondissait comme un chat, fusait dans les airs comme un rapace et frappait aussi vite qu'un jaguar. Pourtant, ses coups, aussi vifs soient-ils, n'étaient pas assez puissants pour blesser le monstre qui lui faisait face : comme un roc gigantesque, la mygale demeurait invincible, son exosquelette noir résistant à tous les coups de l'ennemi. A chaque frappe, la lame d'Arthur semblait rebondir sur cette peau dure comme la pierre. A chaque fois, le monstre contrattaquait furieusement, jetant son adversaire au tapis.

Alors qu'elle se ruait sur lui furieusement, prête à le saisir dans ses énormes crochet, Arthur aperçut une faille : il savait que ses articulations et que son ventre étaient plus sensibles, plus mous et plus souples, que son exosquelette y était moins résistant. Alors que la bête fondait sur lui, s'apprêtant à l'écraser de tout son poids et à le dévorer, il bondit en avant et roula sous le ventre de l'animal. Là, il se livra à un vrai carnage, agitant sa lame à gauche et à droite pour trancher la chair arachnéenne. Aussitôt, la manœuvre eut l'effet escompté : la bête hurla comme une damnée, frappant le sol de ses huit énormes pattes. Alors qu'Arthur s'apprêtait à réitérer l'opération, Néphila s'écria :

- Arrête, arrête, ça suffit ! J'ai mal, je souffre ! Arascension !

De son abdomen noir et velu, elle expulsa un filet de toile translucide qui s'envola jusqu'au plafond. Puis, tractée par ce même filet, elle s'envola et disparut dans l'obscurité.

Arthur se redressa, levant sa lame devant lui, et scruta les hautes parois de la caverne. Malgré le gouffre qu'il y avait créé, qui laissait passer de puissants rayons de lune, la bête demeurait invisible dans l'obscurité profonde. Le jeune homme était en danger. Pourtant, un sourire de jubilation se dessinait sur son visage juvénile : il avait poussé l'une des Corsaires, une pirate extrêmement dangereuse, dans ses derniers retranchements. C'était un grand pas dans son évolution.

Le soldat comprit bien vite qu'il était exposé : il ne pouvait percevoir Néphila dans l'obscurité mais elle, silencieuse et tapie dans l'ombre, le guettait. Elle attendait la moindre faiblesse de sa part pour se laisser tomber sur lui et le réduire en miettes. Alors, à la vitesse de l'éclair, Arthur regagna les ténèbres avec son Incision.

Caché dans les ruines, dans le noir, il n'entendait que le battement de son cœur. Le bataillon de femmes-insectes qui l'avait poursuivi avait été annihilé par leur propre cheffe, le reste luttait au loin contre l'armée de Moringens. Pour l'heure, il n'avait pas à s'en préoccuper. Il devait se concentrer sur Néphila, qui était là, quelque part, dans le noir.

- Je t'ai trouvé, mon joli.

La voix, comme un souffle glaciale dans une nuit d'hiver, avait glissé le long du cou d'Arthur. Il se retourna immédiatement, mais la reine fut plus rapide : avec cinq de ses longues pattes, elle attrapa sa proie à la gorge, aux bras et aux mollets. Tandis que sa prise se resserrait sur les membres de son ennemi, celui-ci laissa tomber sa lame qui produisit un tintement sonore en heurtant le sol. Néphila n'était plus l'énorme mygale qu'elle était encore quelques minutes auparavant, elle avait retrouvé son corps humain. Mais de ce corps émergeaient deux paires de membres supplémentaires, de longues pattes osseuses et puissantes. Sur son visage, huit gros yeux noirs brillaient derrière sa chevelure de jais. A la place de sa bouche, une gueule monstrueuse.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant