CHAPITRE CXV - DEUIL DE L'INNOCENCE

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Le Ziz s'effondra sur l'eau, provoquant un véritable raz-de-marée, achevant d'endommager sa coque. Jane ne pouvait tenir plus longtemps : depuis leur départ de Mukata la veille, elle avait porté son navire et ses passagers à bout de bras, usant de ses dernières forces pour conjurer le vent nécessaire à son vol. Son combat contre l'amiral Kuroryu, la création d'un ouragan assez puissant pour le retenir et ses efforts répétés avaient eu raison du peu d'énergie qu'il restait à la Corsaire. Elle se laissa tomber sur le pont du Golden Ziz et regarda le ciel. Il était très bleu, mais chargé de nuages et de fumée portés par le vent. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à son équipage. Genbu, Misha, tous les autres dont les noms et les visages lui apparaissaient comme des éclats lumineux. Eux, des pirates ? Ils ne l'étaient que parce que le Gouvernement en avait décidé ainsi. Joyeux, généreux, loyaux... Jane connaissait leur vraie valeur. Mais elle avait mené tous ces courageux explorateurs à leur perte. Elle était devenue Corsaire pour s'assurer qu'ils puissent tous ensemble découvrir le monde, en toute liberté. Désormais, elle était seule. Il ne lui restait rien de sa famille, de ses amis, de Skypiea. Alors, loin de ses nouveaux alliés, elle se laissa aller au désespoir et à la haine. Elle libéra un torrent de larmes qui mouilla le pont du Ziz sur lequel, quelques jours auparavant, ils dansaient tous ensemble. Son cri de douleur s'éleva dans le ciel comme un oiseau et se perdit dans le vent.

...

L'île, minuscule, avait été trouvée par Haru. Elle se trouvait à des dizaines de kilomètres au Nord de Mukata, et comme l'amiral avait été retenu par l'ouragan de Jane, il y avait peu de chances qu'il parviennent à les retrouver pour le moment. La priorité, à l'heure actuelle, était de soigner les blessés. Sur la pointe des pieds, essayant de ne pas le réveiller, Haru se glissa dans la chambre de Zell. Une odeur de sang séché et de sueur y régnait, rendant l'atmosphère irrespirable. Pourtant, elle n'osait ouvrir les rideaux de peur de le réveiller. Il avait été si brave... Il lui fallait du repos.

Elle s'approcha du lit et, très lentement, lui ôta ses pensements. Les linges humides commençaient à adhérer à la plaie, si bien qu'elle dû presque les arracher, non sans souffrir pour son ami. Une grande balafre lui traversait le torse. Peut profonde, elle n'avait entaillé que la peau, sans toucher le muscle ni l'os. En revanche, la plaie qui lui traversait le visage était beaucoup plus grave. Partant du front, elle s'étendait jusqu'à la joue en passant par l'œil, cet œil perdu que Haru avait dû nettoyer elle-même. Lui qui avait de si beaux yeux était maintenant borgne, comme un rescapé de guerre... Mais Haru ne perdait pas espoir : elle connaissait une vieille Kuja d'Amazon Lily, complètement aveugle, qui parvenait à voir le monde grâce à un fluide très développé. Peut-être pourrait-elle l'enseigner à Zell à son réveil, lorsqu'il irait mieux ?

Elle changea ensuite le pansement de son bras. Juste sous le coude, là où ses tatouages faisaient ressortir ses muscles saillants, son membre avait été amputé nettement par l'attaque de l'amiral. Il ne lui restait maintenant plus qu'un moignon, vestige de ce bras qu'il avait perdu.

Lorsque Haru eut fini de changer ces bandages, elle essuya la sueur sur son front et le sang sur ses mains, sans cesser de sourire. Elle tentait de voir le bon côté des choses et se réjouissait du temps que cette terrible situation lui permettait de passer avec son ami. En le voyant endormi, baignant dans son propre sang, elle ne put s'empêcher de penser qu'elle était stupide. Alors, tremblante, elle s'effondra à ses côtés, son corps secoué de sanglots. Haru incarnait la raison de l'équipe de Myr. Elle était son élève la plus brillante, la plus solide aussi. Elle était les yeux capables de tout lire, de tout voir, l'esprit capable de tout analyser. Pourtant, elle se sentait désormais impuissante, inutile, idiote.

Une caresse sur sa main vint la faire sursauter. Elle releva la tête, doucement, et vit que Zell la regardait de son unique œil. Il était en morceau, déchiqueté comme une pièce de boucher. Pourtant, il souriait. Alors, sans ouvrir les rideaux, elle s'approcha de lui et chercha à tâtons sa bouche dans l'obscurité.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant