CHAPITRE XXIII - LE VERSEAU

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La grande place du centre-ville semblait un peu plus sécurisée : lorsque Jun la balaya du regard, elle ne vit que des pirates évanouis ou en déroute, mais plus aucun en état de l'affronter. Zell, derrière elle, rangeait déjà ses ciseaux de charpentier. Le combat semblait terminé.

- Tu penses que les autres vont bien ? demanda-t-il à sa camarade.

- J'en sais trop rien. Ces types étaient bien faibles, et pourtant ils ont fait peur au vieux. C'est étrange, on connaît tous les deux sa puissance...

- Ça me dit rien qui vaille tout ça.

Il s'apprêtait à poursuivre, mais tourna vivement la tête, ses sens en alerte. Jun perçut également ce drastique changement d'atmosphère et huma l'air ambiant, un air sous pression, chargé d'humidité. D'un bond, elle se rua vers Zell et le plaqua contre le sol, tandis que le bâtiment derrière eux s'effondrait, tranché en deux par une force invisible.

- Merde... ça va ?! s'exclama-elle.

Le charpentier acquiesça tandis qu'ils se relevaient en vitesse, prêt à faire face à leur nouvel ennemi. Un nuage de fumée s'élevait dans le ciel, là où l'habitation s'était tenue quelques seconde plus tôt, et des ruines émergea un homme à la carrure de monstre. Grand, large et râblé, il laissait échapper de son énorme bouche un rire gras et grossier.

- Alors, les rats se sont planqués ? Ah !

Zell et Jun, qui s'étaient mis à l'abri quelques mètres plus loin, bondirent d'un geste commun. Zell fit tournoyer ses cordes et enserra leur assaillant, tandis que Jun se tenait prête à le frapper de ses lames :

- Sujihiki : Zakugiri ! s'écria-t-elle.

Mais avant que l'attaque ne puisse l'atteindre, l'homme avait déjà tranché les liens qui l'entravaient. À la surprise de Jun, il tendit vers elle un canon, accroché à son poignet droit.

- Pistol River : Jet Stream !

Une bourrasque frappa la jeune femme, si puissante qu'elle la repoussa à plusieurs dizaines de mètre. L'onde de choc détruisit les fenêtres, secoua les murs et fit frémir les voiles des navires amarrés au port, en contrebas. Jun roula au sol, étourdie et secouée par la pression qui venait de l'écraser. Zell fit volte-face, prêt à riposter : il ne comprenait pas comment ses cordes, pourtant très résistantes, avaient pu être tranchées aussi facilement. Il forma une nouvelle boucle qu'il balança sur son adversaire, comme un lasso. Cette fois, c'est le poignet gauche que l'homme leva droit devant lui, révélant un second canon, plus fin et plus long que le premier :

- Pistol River : Jet Cutter !

Un filet d'eau, si mince que Zell le discerna avec peine, émergea du canon en une fraction de seconde et découpa la corde avec une rapidité et une précision telle qu'on l'eut dite tranchée par un sabre aiguisé. L'homme visa ensuite le jeune soldat, et le mince filet d'eau manqua de lui trancher la tête : Zell se jeta au sol, mais les bâtiments derrière lui furent sectionnés en deux. Il se releva, hagard, cherchant à comprendre le fonctionnement de cette arme incongrue.

- T'en reviens pas, pas vrai mon gars ? s'esclaffa son ennemi. Vois-tu, tu viens d'être frappé par la puissance du ...

Il marqua une petite pause, et ses subordonnées complétèrent sa phrase en chœur :

- ... Verseau !

- Hein ?

- P'tit gars, t'as devant toi le puissant, l'incroyable, le sublime Aquarius du Verseau, onzième signe du Zodiaque.

- Le Zodiaque ? Connais pas... C'est quoi encore cette connerie ?

- Ah ! Pauvre ignorant, notre organisation est connue des plus grands marins de Grand Line. Ma tête est même recherchée pour 27 000 000. Eh non, t'es pas en train de rêver mon gars !

Zell ne savait que répondre face à un tel débordement d'auto-satisfaction, et se contenta d'ignorer son adversaire pour plutôt se précipiter vers sa camarade blessée. Jun, visiblement encore sonnée, demeurait à même le sol, massant son visage tuméfié.

- Tu oses m'ignorer, minable ? Tu vas goûter à mon Pistol River !

D'un bond, Zell attrapa Jun et l'entraîna dans une ruelle adjacente pour s'abriter des attaques d'Aquarius. Elle le regarda, inquiète, et il lui sourit.

- T'inquiète, j'ai compris comment fonctionne son truc, c'est pas sorcier en fait. Il a deux bonbonnes accrochées dans le dos. L'une contient de l'eau, l'autre de l'air, sous très haute pression. Si on ne veut pas être tranchés ou soufflés par le grand méchant loup, on va devoir trouver un moyen de le séparer de son arme...

- Si tu arrives à l'occuper, déclara-t-elle en se massant le crâne, je peux passer dans son dos et trancher les tubes d'alimentation qui le relient à ses réservoirs.

- Ça marche, conclut l'autre en lui tapant dans la main.

...

Haru décocha trois flèches, mais ses tirs, bien que d'une précision experte, n'eurent aucun effet. En quelques sauts habiles, elle se réfugia derrière le mât, à l'abri des attaques de son adversaire. Elle n'avait pas encore pu analyser en détails son style de combat, mais ses flèches l'avaient touchée, elle en était certaine. D'ailleurs, le son caractéristique qu'elles émettaient en perforant leur cible avait été un peu différent, comme si elles avaient ricoché sur de la pierre ou du bois.

En fermant les yeux et en forçant sa concentration, elle sentit son adversaire se rapprocher à grande vitesse, et esquiva sa nouvelle attaque. Le coup avait frappé le pont de plein fouet, perforant les lattes de bois. Haru profita de ces quelques secondes de répit pour observer son adversaire : c'était une jeune femme, du même âge qu'elle. Ses cheveux rouges descendaient jusqu'en bas de son dos, et ondulaient sur sa peau peu couverte. Lorsqu'elle se redressa, elle chargea son ennemie de nouveau, et Haru remarqua un détail qui jusque-là lui avait échappé, et qui était pourtant des plus voyants : deux longues cornes pointaient sur le front de la pirate, lui donnant des allures de diablesse.

- T'es vachement casse-pieds, l'archère... souffla-t-elle. Déjà que vous ne deviez pas être là, franchement. Quelle barbe ! Et puis les autres, qu'est-ce qu'ils foutent, à la fin ?

Haru décocha de nouvelles flèches, que la pirate esquiva agilement, avant de retomber, en équilibre, sur la rambarde du navire. Elle s'apprêtait à riposter quand son escargophone sonna :

- Mais c'est pas vrai, quelle plaie cette mission ! Je voulais juste passer ma journée tranquille moi. Allô ?

- Taurus ? C'est moi, déclara une voix calme et grave. Leo et Scorpio ne répondent pas, de même qu'Aquarius. Qu'en est-il de votre mission ?

- Roh... J'en sais rien moi ! La Marine a rappliqué, je suis sur leur navire là. Aquarius est en ville, il fait mumuse, 'fin bon, tu le connais. Quant à Scorpio et Leo, je n'ai pas de nouvelles, mais la bibliothèque semble intacte. J'imagine que tout s'est passé comme prévu.

- Très bien. Contacte-moi dès que tu as des nouvelles, et fais bien attention à ne pas trop amocher tes opposants, d'accord ?

- Ouais, ouais...

- À plus tard, je t'aime.

Sur ces mots, il raccrocha, et la jeune pirate souffla de nouveau. Cette délicatesse avec laquelle son capitaine s'était exprimé avait surpris Haru : dans le monde des forbans, ce n'était pas commun.

Taurus craqua son cou bruyamment, puis fit face à son adversaire, prête à attaquer de nouveau.

- Bon... Bah quand faut y aller... 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant