12. Histoires d'intégrations

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Je lui demandai ce qu'il comptait devenir. Les narines pincées, Tennoji me répondit que des petits boulots iraient très bien.

— Sois un peu ambitieux !

— L'ambition, c'est pas pour tout le monde, Clé-à-molette. J'ai pas envie de devenir quelqu'un. J'veux juste qu'on me foute la paix ! ».

Je fis marche arrière. Certains étudiants se sentaient embourbés dans une situation sans fin. Toujours à travailler, jamais à atteindre le résultat pour lequel ils s'acharnaient. Ils en avaient marre. Alors, ils lâchaient. Pourquoi ? Parce que c'était injuste.

« Nous devrions être comme des chiens de compagnie. Les humains devraient être récompensés à chaque effort qu'ils réaliseraient.

Tennoji reposa son stylo et poursuivit :

— Je hais les gens qui réussissent et qui donnent pour conseil aux autres de se bouger les fesses. Si on a déjà épuisé le maximum de nos capacités, qu'est-ce qu'il nous reste, hein ?

— L'espoir ?

Il leva les yeux au ciel, agacé.

Peinée, je l'interrogeai :

— Tu me détestes donc ?

— Non, pas toi. Toi, tu nous aides.

— J'suis d'accord avec Tennoji. Tu prends de ton temps pour nous faire réviser alors que toi-même t'es toujours à la bourre dans tes cours...

Les grands yeux limpides de Minoru se posèrent dans le vague. Soudain, il se frappa le front avec le plat de sa main.

— Au fait, Clé-à-molette, t'as rencontré le nouveau ?

— Jun ? Oui, il m'a remis son dossier de transfert. Qu'est-ce que vous pensez de lui ?

Tennoji leva la tête de son cours, son sourire de sale gosse étiré au coin des lèvres. Minoru se balança un peu sur sa chaise et soupira avant de faire la moue. :

— Il est rasoir. Hier, on a voulu se battre mais il nous a ignoré et s'est assis au fond de la classe. Quand Takeo l'a soulevé de sa chaise par le col, son souffle ne s'est même pas accéléré. Il a regardé Takeo dans les yeux, s'est pris une droite et s'est rassis, comme si de rien n'était. Il est trop calme, c'est flippant.

— Takeo est irrécupérable...

— Faut le comprendre, il doit se faire respecter. C'est bien d'avoir du pouvoir. Parfois, il te permet un peu plus que d'exister. Y'a pas forcément besoin de l'utiliser, c'est juste qu'il rassure. Mais avant d'arriver à ce stade, faut déjà avoir montré qu'on en a... Takeo, il peut être agaçant, extravagant et nombriliste mais il force l'admiration. Sa réputation, il ne l'a pas volée.

— Bon... En tout cas, je partage votre avis sur Jun.

— Attends, c'est pire que ça ! me coupa Minoru en écarquillant les yeux. Takeo a encore essayé de le chercher. Il lui a demandé pourquoi il ne parlait pas. Et t'sais ce que le nouveau a fait ?

Je fis non de la tête. Minoru reprit, circonspect :

— Il a répondu à Takeo qu'il 'fallait pas qu'il s'embête pour si peu, qu'il n'avait pas besoin de parlementer avec des mots... Qu'un seul doigt suffisait ! Du coup, il lui a montré son majeur.

Je n'y croyais pas ! Quelqu'un avait osé défier l'autorité de Napoléon !

— Qu'est-ce qu'il s'est passé, ensuite ?

— Ben, t'aurais vu la tronche de Takeo... Ça ne lui a pas plu. Il a fait voler sa table à travers la classe pour lui faire peur. Comme ça n'a pas non plus marché, il lui a explosé la mâchoire. Jun a à peine bronché. Il nous a prié de l'excuser, qu'il revenait parce qu'il devait passer aux toilettes pour nettoyer le sang qui coulait de sa bouche. J'ai jamais vu ça ! C'est un dur, ce mec !

Octopus - Tome 4 : La Pieuvre a trois coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant