Octopus - Tome 4 : La Pieuvre a trois coeurs

68. Les oiseaux ne chantent plus

*Dernier chapitre du Tome 4.

*Le tome 5 (grand final) est en préparation !*

[Narration : Lucie]

J'avais rendez-vous avec Minoru devant le temple Yasaka, situé au sud-ouest de la station Namba, du nom du quartier que j'avais arpenté la veille avec Aïko. Inutile de rappeler à Minoru que c'était mon jour de repos avec Kensei. Malgré le désastre du toit, il ne s'était pas plaint une seule fois durant la semaine et je m'étais sentie obligée d'accepter ce rendez-vous urgent.

Des parterres entiers de fleurs continuaient d'éclore dans les bacs et les parcs et celles déjà ouvertes ajoutaient de la couleur au paysage urbain déjà enseveli de panneaux publicitaires et d'enseignes de commerces.

Je ne doutais pas un seul instant que Minoru m'avait appelée pour me tenir informée de ce que Ryôta et lui avaient déduits de nos excursions respectives dans les quartiers Nishinari et Jûsô. Je comptais aussi lui apprendre que Naomi était devenue entraîneuse après sa dernière année de lycée.

J'avais acheté pour Minoru un paquet de Kit-kats auprès de mon konbini mais en dépit de ce détour, j'étais arrivée devant le temple Yasaka avec un bon quart d'heure d'avance. Celui-ci était caché au milieu de ruelles tranquilles. Si je ne l'avais pas cherché, jamais je ne serai tombée dessus par hasard. Je passai la porte du sanctuaire en m'attendant à trouver un petit temple à la forme et la façade habituelles mais la structure de celui-ci était impressionnante, présentant la forme d'une gigantesque tête de lion japonais. Un panneau expliquait que le sanctuaire datait du Ve siècle mais que suite aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il avait été brûlé, avant d'être reconstruit dans les années soixante-dix. L'histoire racontait que ce temple avait été à l'époque érigé afin de protéger les citoyens du quartier Namba d'une maladie. Ils venaient alors implorer la divinité de la transmission des épidémies, Gozu Tennou, de les épargner.

Je jetai un dernier regard aux papiers blancs pliés en zigzag suspendus au toit par une corde en paille de riz. Ils délimitaient un espace purifié. Je ne m'avançai pas davantage et ressortis du sanctuaire pour vérifier si Minoru était arrivé.

Assis en équilibre sur la balustrade situé à une trentaine de mètres l'entrée, il m'attendait. Bien que son perchoir soit assez haut, ses Dr. Martens touchaient le sol. Il portait sa casquette de baseball, un long t-shirt blanc et son habituel treillis. M'ayant repérée, il bondit de la balustrade et vint à ma rencontre avec aux lèvres un sourire nerveux, différent de celui qu'il m'accordait habituellement. Son coquard sur l'œil droit avait bleui et dégonflé au fil de la semaine.

« Merci de m'avoir donné rendez-ici ici. Je n'aurais jamais eu l'idée de venir me perdre dans le coin.

— Pas de quoi, répondit-il modestement en secouant sa grande main. C'est vrai qu'il faut connaitre l'endroit. Ah mais, au fait... Tu ressors du temple ? réalisa-t-il soudain l'air déçu.

— Oui.

— Mince... Bon, c'est pas grave. J'suis content s'il t'a plu ».

Il parut si dépité que je lui proposai de retourner dans le sanctuaire ensemble. Minoru hocha doucement la tête et me suivit, le pas traînant. Tout en marchant, je lui racontais le déroulement de ma soirée la veille et quel genre de personne Naomi était devenue. Comme Minoru ne répondait que par monosyllabes, je l'interrogeai ensuite sur les éventuelles conclusions qu'il avait pu tirer avec Ryôta de nos escapades de la semaine passée. Minoru, qui décidément ressemblait à un zombie, marmonna qu'ils n'avaient rien trouvé de plus.