Chapitre 51.

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Shōyō

Il rentrait avec Tadashi dans la lueur de l'aube après avoir déposé Kōshi à la gare routière. Ils avaient dû se lever plusieurs heures avant le jour afin d'y être pour 5h27. Cela n'avait pas été trop difficile : Shōyō avait fait un cauchemar à cinq heures du matin. Tadashi était accouru dans sa chambre, et ç'avait été à son tour de tenir la main du rouquin et de l'aider à se réveiller en douceur.
Maintenant, il les aidait tous les deux à lutter contre le sommeil en racontant à Tadashi dans quelles circonstances sa mère lui avait offert le bracelet en argent qu'il avait chargé de pouvoir pour lui. C'était un bracelet de protection. Son amant l'avait ensorcelé pour elle avec une goutte de son propre sang et une du sien, à Paris, dans les années 1930.
Tadashi lui raconta que son père avait une armure du même genre, mais en cuir cerclé de bois. Ils étaient tellement absorbés par leur discussion sur les pouvoirs de protection comparés de ces deux matériaux que Shōyō ne remarqua le comportement insolite des corbeaux qu'une fois engagé sur l'allée de graviers menant à la colline. Toute la volée d'oiseaux venait de la traverser en poussant des cris rauque.
Hinata freina brutalement et la berline faillit quitter la route.

- Shōyō, ça va ? demanda Tadashi.

Penché en avant, il observait à travers le pare-brise les corbeaux qui décrivaient des cercles frénétiques.
Shōyō agrippa le volant, les yeux fermés pour écouter le vent et le chuchotement des arbres. Il avait des fourmillements dans les paumes. Il ouvrit la portière, descendit de voiture et s'éloigna. Les graviers crissaient sous ses pieds nus. Les corbeaux descendirent en voletant autour de lui, éventant de leurs ailes ses cheveux et son visage.
Il s'agenouilla et enfouis les doigts dans la terre humide, mais ne senti rien d'inhabituel. Tout était tranquille.
Tadashi fit le tour de la voiture en courant et saisit le rouquin par le bras.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il avec une grimace de frayeur.

- Et toi, ça va ? Est-ce que tu sens quelque chose d'inhabituel ?

Hinata scruta ses yeux d'un vert printanier, à l'affût du moindre signe de douleur ou de magie. Tadashi secoua la tête et ses cheveux dansèrent.

- Je suis seulement fatigué, répondit-il. Je me sens lourd.

Les corbeaux les frôlaient toujours de leurs ailes battantes, mais plus doucement. La moitié de la bande s'envola vers le sommet de la colline, puis fila droit vers la maison à travers les branches des arbres.

- Très bien, allons voir ce qui les tracasse, dit Hinata.

Ils se dirigèrent vers la forêt, suivis par les autres corbeaux. Sous les plantes de ses pieds, Shōyō sentait mieux la consistance de l'humus et le bourdonnement familier de la terre du sang : elle était chargée de pouvoir et prête à tout, mais sans être aux abois.
Au moment où ils émergeaient de la forêt et traversaient la pelouse, il vit Kaito, le frère de Tobio, en jean et t-shirt noir, penché au-dessus de la portière ouverte de la voiture de Tobio.

- Kaito ? appela Shōyō.

Ses épaules se voutèrent et il se retourna brusquement en s'écartant de la voiture.

- Viens vite ! hurla-t-il.

- C'est Shōyō ? entendit-il Tobio demander à l'intérieur.

Le rouquin lâcha la main de Tadashi et couru vers eux. Il allait demander ce qui n'allait pas, quand Kaito recula et Tobio sortit de la voiture, courbé en deux, et tomba à genoux. Kaito accourut pour l'aider à se relever, mais Tobio le repoussa. Il leva la tête et Hinata vit de loin ses yeux.
Ils étaient entièrement rouges. Rouge sang.
Le cœur dilaté de stupeur, il se précipita et se laissa tomber à côté de lui.

Blood Lovers || Kagehina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant