Chapitre 33.

26 7 0
                                    

Shōyō

La nuit, Tadashi hurlait, tourmenté par des cauchemars.
Shōyō grimpait dans le lit à côté de lui pour lui fredonner toutes les berceuses qu'il avait apprises de sa mère et de Granny Lyn. Quand Tadashi était réveillé, Hinata dessinait, associant les cicatrices de ses brûlures à des dessins amusants afin de le faire rire. Le matin, il renforçait son sort de liaison et lui faisait boire une gorgée de magie afin que son corps reste détendu. Il lui demanda un matin ce que son père avait fait et pour quel sort il avait utiliser la rune noire.
Tadashi replia ses pieds sur le canapé, s'écarta de Shōyō et se blottit dans l'angle.

- J'veux pas le dire, répondit-il.

Hinata se rapprocha de lui, les pieds également repliés sous lui, et le considéra de son air le plus gentil et le plus innocent.

- Ce n'est pas de ta faute, Tadashi, je te le jure. Tu n'aurais pas pu l'en empêcher, quel que soit ce sort, dit Shōyō.

Tadashi serrait si fort le coussin entre ses doigts qu'ils y laissaient de profondes empreintes. Derrière lui, un feu crépitait dans l'âtre, car Tadashi avait du mal à se réchauffer bien que cette journée fût brûlante. Kōshi lui avait apporté du chocolat chaud et du thé, et lui avait proposé des médicaments et de la soupe en lui laissant entendre qu'il était malade uniquement parce qu'il avait travaillé trop dur, mais lui et Shōyō savaient bien ce qui l'affaiblissait et faisait baisser sa température.
Hinata posa un doigt sur le genou de Tadashi et y dessina une rune de protection, même si elle ne pouvait agir faute de sang.

- Ça m'aiderait peut-être de connaître le pourquoi et tous les détails, expliqua le rouquin, même si tu préfères ne pas en parler. Comme ça, je pourrai lever le sort, je ne serai pas obligé de te lier.

- Quand ça commence, on a froid, dit Tadashi.

- Je sais.

- Tu as déjà... tu as déjà été... comme ça ? demanda-t-il.

Il saisit le doigt de Shōyō et le serra à lui en faire mal.
Les cils du rouquin frémirent. Il n'aimait guère évoquer sa liaison en magie.

- Je me le suis fait à moi-même une fois, après la mort de ma mère, pour savoir comment c'était, répondit Shōyō.

- Pourquoi ?

Il se mordit la lèvre inférieur, à la recherche d'une explication.

- Par... solidarité avec elle, pour ressentir ce qu'elle a ressenti en mourant, et pour garder éternellement ce souvenir.

- Mon père vend parfois des malédictions, dit Tadashi doucement. Par exemple, pour faire pourrir les champs d'un fermier. Un jour, un homme a arrêté de respirer juste au moment où papa l'a voulu.

- Ce n'est pas de ta faute, répéta Hinata. Viens avec moi.

Shōyō l'emmena à l'atelier et, pendant que Tadashi l'explorait, le rouquin débarrassa la table des piles de papier à dessin et des boîtes de pinceaux maculés de peinture. Il déposa sur le sol des rubis bruts et le sac poubelle contenant les restes de sa poupée pour ne laisser sur la table que le bloc de couteaux de boucher et la canette contenant les lancettes.

- Monte là-dessus, dit-il à Tadashi.

Il avait toute la place pour s'étendre. Shōyō l'aida à ôter sa chemise.

- Tu as assez chaud ? demanda-t-il.

- Mouais, répondit Tadashi en fermant les yeux, la joue contre le bois usé.

Shōyō fouilla dans l'une des caisses posées sur les étagères en bois grossier qui étaient à sa droite, en sorti une paire de lunettes dites « œil de chat » et les emporta.

- Je veux juste t'examiner, Tadashi, d'accord ? Mais il vaut mieux te lier pour plus de sécurité.

Il prit une petite épingle sur le bloc de boucher piqua Tadashi au poignet le plus vite qu'il pu. Il ne broncha même pas tandis que son sang giclait dans le creux de la main de Shōyō.

- Terre, nous te nourrissons afin que le cercle de ta magie se referme, dit Hinata, et il laissa goutter le sang sur le sol en terre battue. Il aspergea son épaule et son front avec les dernières gouttes.

Il chaussa ensuite les lunettes de vision du sang et sa vision se teinta immédiatement de rouge. Il vit sont sort de liaison comme un cercle de sérénité dont Tadashi formait le centre, et la magie toutes en courbes de la rune noire gravée dans son dos. Son rouge malsain ondulait doucement comme de l'herbe sous la brise et certains de ses tentacules se repliaient sur eux-mêmes pour s'enfoncer dans sa chair, tandis que d'autres s'élevaient et traversaient le plafond en minces filaments. Ils étaient sans doute reliés au père de Tadashi. Les gouttes de sang braillaient d'un éclat plus vif et plus frais sur l'épaule et le front de ce dernier.
Il serait ardu de détruire la rune noire sans faire de mal à Tadashi, mais Shōyō ne pouvait pas l'abandonner à ses cauchemars, ni à l'épreuve que représentait ce sort de liaison. Il ne méritait pas ce froid, ni cette corde qui l'emprisonnait et l'isolait de la magie du monde. Hinata trouverait bien un moyen de l'aider à tenir bon pendant qu'il chercherait une solution définitive.

- Ça va, conclu le rouquin en ôtant ses lunettes.

Tadashi roula sur le dos, puis s'assit en serrant ses flancs entre ses bras. Les brûlures de ses mains étaient guéries, mais de minuscules cicatrices roses semblables à des chenilles en zébraient les jointures et les paumes. Hinata en pinça l'une d'elles.

- J'ai une idée, dit-il.

Blood Lovers || Kagehina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant