Chapitre 55.

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Shōyō

  Il fut réveillé par un martèlement intermittent qui faisait vibrer le cadre de son lit. En observant les voiles drapés au plafond, il parvenait tout juste à distinguer un léger frémissement. Toute la maison semblait trembler.
  Il repoussa ses couvertures et se leva avec précaution, attentif au bruissement du sang dans ses oreilles. Ses doigts et ses orteils étaient froids, mais il ne ressentait plus ni vertige, ni épuisement. Une aube bleue s'insinuait pas sa fenêtre entrouverte avec une brise moite à l'odeur de boue et de roses.
  Tout en passant les mains sur ses yeux et dans ses cheveux, Shōyō se dirigea vers la porte. À travers la plante de ses pieds nus, il sentait mieux le martèlement, une série de coups rageurs qui se diffusaient quelque par au-dessous de lui.
  Quand il ouvrit la porte de sa chambre, Tobio sortit en même temps de celle de Hiro, au bout du couloir. Le cœur de Shōyō bondit à la vue de ses cheveux emmêlés, aplatis sur un côté, et de la marque de l'oreiller sur sa joue, mais cette euphorie se dissipa immédiatement devant le froncement de sourcils de Yasuo.

- J'aurais dû le transformer en tabouret, marmonna-t-il quand il aperçut le rouquin.

- Kaito ? demanda ce dernier.

  Il l'avait complètement oublié. Il pivota pour se diriger vers l'escalier, mais sentit la brûlure de la main de Yasuo autour de son poignet.

- Je m'en occupe, dit-il.

  Il tira Shōyō vers lui et son épaule heurta la poitrine de Yasuo. Le rouquin ferma les yeux quand sa peau toucha la sienne et que les tatouages brillèrent d'une lueur rouge. Puis, la tête levée vers lui, Hinata observa les taches écarlates qui avaient envahi le bleu des yeux de Tobio. Elles avaient un éclat agressif. Disparaîtraient-elles jamais ? Les signes extérieurs du traumatisme s'effaceraient-ils à mesure que Yasuo prendrait plus solidement et plus complètement possession de ce corps ?
  Shōyō était bien résolu à ne jamais le découvrir.

- Non, Yasuo, laisse-moi le voir. Il me connaît, et toi, que pourrais-tu lui dire ?

  Yasuo eut un demi-sourire.

- Oh, je ne pensais pas lui dire quoi que ce soit, répondit-il.

- Nous avons besoin de lui... tu as besoin de lui.

  Shōyō se creusa la cervelle à la recherche d'un argument persuasif.

- Tu n'auras qu'à le convaincre que tu es son frère, et il t'aidera à recommencer une nouvelle vie.

  Les doigts de Yasuo se resserrèrent sur son poignet. Il se pencha vers le rouquin.

- Ce n'est pas ce que tu as en tête, siffla-t-il à son oreille. Il va falloir trouver un meilleur argument pour me convaincre, Shōyō.

  Le rouquin expira brusquement par le nez.

- Très bien, déclara Shōyō. Mais laisse-moi le voir quand même. Je...

  Sa main libre posée sur la poitrine de Tobio, il s'interrompît, frappé par une illumination. Au-dessous d'eux, le martèlement reprit, suivi d'un craquement assourdissant, comme si on brisait un meuble. Hinata fit semblant de ne pas l'entendre et caressa la poitrine de Tobio le plus doucement possible, suivant du doigt les contours de l'un des tatouages qui s'incurvaient sur sa cage thoracique.

- Ce que tu as fait du corps de Tobio m'intéresse, même si je n'ai pas l'intention de te le laisser, reprit Shōyō. Tu sais sûrement que je travaille avec les corbeaux, qui sont mes animaux de compagnie.

  Il leva les yeux vers Yasuo. Son visage s'adoucit pendant une fraction de seconde, tandis qu'il regardait Hinata dans les yeux.

- Oui, répondit-il.

Blood Lovers || Kagehina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant