Blood Lovers || Kagehina

Chapitre 15.1

Shōyō

C'était plutôt amusant de dévoiler à Tadashi les ingrédients qu'il employait pour la fabrication des talismans et de lui expliquer en quoi certains vous purifiaient, tandis que d'autres accéléraient la cicatrisation des blessures. Tadashi posait calmement des questions, et parfois Kōshi intervenait pour lui répondre. Le soleil brûlant commençait à liquéfier le bitume du parking. Shōyō remarqua que Tadashi semblait plus attirer l'attention des badauds que Kōshi et Shōyō ne l'avaient jamais fait. C'était probablement dû à son sérieux quand il rendait la monnaie, ou à son ravissement dès que l'un des innombrables chiens en laisse se glissait sous la table pour venir lui lécher les doigts. Tout cela rendait la corvée du marché bien plus agréable.
Shōyō venait d'expliquer la différence entre leur thé froid et leur infusion contre les fièvres à une femme très douce poussant des jumeaux dans une voiture d'enfant quand il vit Tobio Kageyama se diriger vers leur stand, en compagnie de l'une des filles du stand de son lycée. Son t-shirt la moulait tellement que Shōyō voyait nettement les contours de son soutien-gorge dans son dos, et son short aurait aussi bien pu être une petite culotte.
Soudain, Tobio se tourna vers lui, lui sourit, et Hinata lui rendit son sourire.

- Qu'est-ce que tu regardes ? demanda Tadashi.

- Je crois que c'est la fille qui est tombée dans le lac pendant le tremblement de terre, fit Kōshi.

- Quoi ?

Le rouquin se détourna de Tobio pour dévisager son aîné, les sourcils froncés. Kōshi mit sa main en visière sur son front.

- Oui, c'est bien elle, reprit-il. Et c'est ce gars qui l'a sauvée. Kageyama Tobio.

- Quoi ? répéta Shōyō, puis il regarda de nouveau Tobio, mais il s'éloignait en leur tournant le dos. La fille et lui arrivèrent devant le stand du lycée et Tobio dit quelque chose qui fit rire toutes les filles.

- Je crois qu'elle s'appelle Holly, ajouta Kōshi. Ce garçon a plongé dans le lac pour la repêcher. D'après le journal, il lui a sauvé la vie.

Tout le corps de Shōyō se mit à trembler et la chair de poule se répandit de sa colonne vertébrale à ses bras comme un essaim de minuscules insectes.

- Ça s'est passé pendant le tremblement de terre pour Hiro ? demanda-t-il à voix basse.

Kōshi lui fit signe que oui.
Même sous ce soleil brûlant de mai, sans un souffle de vent pour sécher leur sueur, Hinata eut soudain très froid. Il se souvenait de Tobio près du petit lac qui était derrière le bois, plaquant l'homuncule au sol et lui arrachant le tuyau de plume du cœur. Le petit lac...

- Tu veux dire... le lac qui est sur les terres de Mr Riber ?

- Oui. Shōyō, ça va ?

Kōshi posa la main sur son épaule et Tadashi saisit son coude. Leur peau était bien plus chaude que celle du rouquin.
Il ferma les yeux et inspira longuement tout en maudissant le goudron noir qui le séparait de la terre et le privait de l'énergie de la planète. Il détestait être en ville, il détestait la ville et son réseau de routes semblable à une toile d'araignée géante emprisonnant l'univers. Il se concentra sur la chaleur du soleil, les voix autour d'eux, le bourdonnement lointain de la circulation sur l'autoroute, les rires, les chants d'oiseaux et le contact des mains des membres de sa famille.

- Oui, répondit-il en rouvrant les yeux, je vais très bien.

Au milieu des vagues de la foule, il repéra le visage de Tobio, telle la dernière goutte de sang scellant un sort. Il contempla son sourire, le jeu de la lumière sur sa peau, et sentit le déclic de la magie qui se refermait sur elle-même.