Chapitre 48.

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Je suis allée voir Yasuo, le cœur battant, pour lui demander s'il avait déjà vu une maladie comme la mienne. Il a hoché la tête avec un doux sourire.

- Je sais exactement ce qu'il faut faire, a-t-il dit en prenant mes mains. Va t'asseoir au salon, je vais préparer le nécessaire.

J'ai attendu pendant une heure, les yeux clos, en prière. Je n'avais aucun moyen d'entrer en contact avec toi. Je ne pouvais ni m'envoler par-dessus les États et les montagnes, ni m'insinuer dans tes rêves comme Yasuo. Je devais m'en remettre à lui dans l'espoir qu'il me purgerait de ce mal.
Nous sommes sortis dans le jardin.

- Tu seras plus à l'aise ici, m'a-t-il dit.

Il a creusé dans la terre, juste à côté des rosiers, un cercle assez grand pour que je puisse m'étendre à l'intérieur, et lui s'asseoir à mon côté. Il m'a ôté mes chaussures, mon chapeau, la chevalière que tu avais fabriquée pour moi afin que personne ne puisse plus jamais me posséder comme l'avait fait Mayumi et les perles que je portais aux oreilles parce que c'était dimanche. Ma robe était toute simple, de la couleur des feuilles au printemps, avec des manches courtes et un rang de boutons sur tout le devant. Yasuo a versé un peu de son propre sang dans un bol en bois rempli d'encre au-dessus duquel il a chuchoté quelques mots avant de le déposer au-dessus d'une minuscule flamme. Il a posé la main sur mon front en me disant de fermer les yeux. C'était un rituel de purification, m'a-t-il assuré, un sort qui chassait cette maladie de mon corps.
Je me suis détendue au contact de la terre. Au-dessus de moi, les nuages s'amassaient, de plus en plus bas, préparant un orage pour la soirée. Le vent soufflait violemment à travers les arbres comme pour protester contre la magie de Yasuo. Les boutons de mes roses dansaient. J'ai fermé les yeux. Le cercle de Yasuo était un havre chaleureux. Je me fiais à lui.

Il a pris un minuscule pinceau et commencé à tracer avec de l'encre mêlée de sang des lignes sur mes bras, de mes paumes à mes épaules. Il a roulé les manches de ma robe et déboutonné le haut de mon corsage afin de peindre d'autres lignes de la base de mon cou jusqu'à mon cœur. L'encre chaude me chatouillait et je me souviens d'avoir souri pendant qu'il reliait toutes ces lignes en chantant une douce chanson en français. Ce chant me berçait - plus qu'il ne l'aurait dû, je le sais maintenant. Yasuo s'emparait de ma lucidité, sa magie et son chant me plongeaient dans une somnolence qui m'empêchait de comprendre ce qu'il faisait de moi.
J'ai ouvert les yeux une seule fois, quand il a cessé de tracer ses lignes. Les nuages noirs donnaient au ciel une teinte crépusculaire. Quand j'ai levé la main pour chasser des cheveux qui balayaient ma bouche, j'ai vu les runes qu'il avait dessinées sur elles. Elles m'étaient familière. J'ai cillé, les paupières lourdes, et lentement pris conscience que la robe était déboutonnée jusqu'à ma taille. Je sentais le fourmillement de la magie se répandre sur mes seins, le long de mes côtes et sur mon ventre.
Les mêmes marques étaient tatouées sur la peau de Yasuo. Un jour, tu m'avais expliqué que ces tatouages l'ancraient dans son corps. Yasuo ajoutait de l'encre dans son bol ensorcelé.

- Que fais-tu ? ai-je chuchoté, avec l'impression de faire un effort surhumain pour articuler.

Il a baissé les yeux vers moi. Il était torse nu et ses tatouages brillaient comme des braises sur sa peau.

- J'effectue une métamorphose, a-t-il répondu.

Puis il a ajouté, avec un accent de regret :

- Je t'aime beaucoup, Evelyn, vraiment.

- Yasuo...

Je me suis efforcée de m'asseoir, mais mes os lourds comme du plomb m'arrimaient au sol.

- Yasuo...

- Je suis désolé, a-t-il dit, et il paraissait sincère. Tu vas seulement t'endormir sans souffrance, et ensuite ton corps m'appartiendra.

Blood Lovers || Kagehina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant