Un flocon de neige par-ci, une hache par là et on obtient la recette parfaite d'une vie sans pépins à New Garden. Car oui, ce petit village perdu au fin fond du Maine a tout d'un véritable havre de paix.
C'est du moins ce que pensait Heden Keye. Si...
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La nuit tombe doucement autour du lac tandis que je suis Heden et Ollie sur les petits sentiers de neige écrasée. La difficulté se prononce de plus en plus dans les muscles atrophiés de mes mollets et j'ai à peine fait deux centaines de mètres que le souffle se coupe dans mes poumons. Je m'arrête donc entre deux buissons et pose ma main gantée sur le tronc sec de l'un des grands pins qui sillonnent le lac du chalet d'Heden.
Celle-ci ne remarque que je me suis arrêté qu'au bout d'une bonne minute. Le front froncé sous son bonnet, le souffle chaud s'évaporant de ses narines dilatées, elle revient sur ses pas et tend sa main vers moi.
— Tu veux de l'aide ?
— N... Non...
— C'est toi qui avait insisté, l'anglais. Tu devrais savoir ce que tu veux.
— Je sais qu'il faut que je le fasse... Laisse-moi juste prendre une inspiration, merde...
Je ne lui dis pas que je n'ai pas envie de sa main parce que j'ai peur de la toucher. Depuis qu'elle est revenue, depuis ce que j'ai fait ce matin, j'ai du mal à la regarder dans les yeux. Et je sais que les deux feuilles de houx qui les remplacent ne m'aident en rien. Ollie presse sa truffe contre ma cuisse et je dégage les flocons de sa fourrure, au gré des soupirs agacés d'Heden. Je lui jette un regard en coin et gronde sur le même ton.
— Qu'est-ce qu'il t'arrives aujourd'hui ?
— À moi ? Rien. Tu m'énerves, c'est tout. Pour changer...
Je presse ma main contre ma bouche dans un geste exagéré et elle vient la balayer avec sérieux.
— Arrête. Tu m'énerves encore plus.
— Comment est-ce que c'est possible ? Je suis si adorable, pourtant...
— Arrête de forcer sur ton accent, quand tu fais ça.
— Avoue, c'est craquant.
Si elle ne s'était pas retourné aussi rapidement, j'aurais juré voir ses pommettes se teindre de pourpre sous les rayons envenimés de la Lune.
— Tu m'énerves, Caleb. On est sortis pour marcher. Alors dépêchons de marcher. On n'est pas obligés de faire ça en parlant.
Je roule les yeux au ciel et m'empresse de la rattraper. La curiosité me noue férocement le ventre et j'insiste en abaissant la voix au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans les bois sauvages.
— Allez, Heden. Je crois que tu connais assez de secrets sur moi pour que tu m'en dévoiles un peu plus sur toi.
— C'est là où tu te trompes. Je ne connais rien sur toi.
— Tu veux connaître quelque chose sur moi ?
Lancé-je avec un rire ironique. Mais je sais que je me retrouve dans une impasse lorsqu'elle oblique son menton vers moi, le retirant des rebords douillets de son écharpe épaisse. Je lâche un violent soupir et hausse les épaules en guise de réponse.