Un flocon de neige par-ci, une hache par là et on obtient la recette parfaite d'une vie sans pépins à New Garden. Car oui, ce petit village perdu au fin fond du Maine a tout d'un véritable havre de paix.
C'est du moins ce que pensait Heden Keye. Si...
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La profondeur d'un côté du barrage à un autre, varie considérablement, tout comme ma peur qui en est issue.
Depuis que j'ai sauvé Caleb du lac, depuis que j'ai senti les fibres de glace me déchirer les poumons, je regarde cette tumulte d'un autre œil. Peut-être même du bon : avec peur.
Je souffle un grand coup, me tourne vers mes collègues et amis toujours en train d'ouvrir les remorques des camions, puis, vers le lac et ses eaux bleu foncé qui percent leurs couleurs depuis la glace.
Elle est parsemée, mais ne recouvre pas entièrement ma profondeur. On ne la néglige pas, cependant. Elle est perfide et nous connaissons et acceptons son danger pour nous comme les coques de nos bateaux.
Mais papa a raison. Il nous faut ce bois.
Je me rapproche donc du rebord et rentre avec agilité dans l'un des bateaux, rejoignant tous les autres bûcherons déjà prêts.
Les bûches ne viendront pas d'elle-même.
***
On s'arrête toutes les deux secondes pour que Monroe, grâce à sa grande perche, puisse briser la glace qui nous empêche d'avancer. Mais parfois, comme maintenant, elle met plus longtemps. Appuyée sur la rambarde, je regarde Colby s'agenouiller pour remplir un sac d'équipement. Carsen s'arrête à ses côtés et lui indique les attaches cassées.
— Fais attention à celui-là.
— Ce n'est rien, je le prendrai.
Me devoué-je en l'attrapant par la sangle. Je l'attache sur mon dos, sentant le poids du métal me tirer sur les épaules et Carsen s'éloigne. Colby se redresse en balayant la neige de ses genoux, tapote dans ses gants et m'adresse un sourire en coin.
Je sais qu'il a quelque chose derrière la tête.
Je sais qu'il va ouvrir la bouche et me dire quelque chose.
Je sais que je ne vais pas l'aimer.
— Heden, Heden, Heden.
Et merde.
— Quoi ?
Grogné-je en le lorgnant du coin de l'œil. Il vient s'appuyer à mes côtés et prends une grande inspiration. La pureté fraiche que nous procure le Jenkins Lake est presque entièrement ravalé par ses narines provocatrices, ce qui fait augmenter la tension dans mes nerfs.
— Accouche, Colby.
— Caleb est un gars plutôt... Intéressant.
— Tu lui as parlé trois minutes et demie.
— Et ça m'a suffi.
— Laisse-le tranquille.
— Tiens donc ? Ce n'est plus toi, qu'il faut que je laisse tranquille ? Les choses ont très vite changé.
