Le dicton « on n'est jamais mieux servi que par soi-même » me martèle le crâne alors que ma colère couve. Hemza s'est bidonné en voyant ma tête quand j'ai compris où était ma place et, surtout, à côté de qui je serai ! Coincé entre le hublot et Kate !
Son traquenard ne l'empêche pas de dormir. Jam est le seul qui ne s'est pas assoupi, il est à côté de ma voisine et me lance beaucoup de coups d'œil désolés.
— Arrête de faire la gueule ! tempête Kate. Cette fois, je n'y suis pour rien !
— Ça ne change pas la situation, grogné-je.
— Tu verras, Thomas est un super chef, tu auras vite oublié que tu as dû supporter de t'asseoir à côté de moi. J'ai tellement hâte de voir sa tête et celle des autres ! T'es une légende dans notre monde ! Tu te rends compte ! Oh ! Je suis tellement excitée.
— Kate, tais-toi ! Je n'en peux plus de ta foutue bonne humeur.
Dans une grande inspiration, j'essaie de rester calme, d'oublier qu'elle est si proche que je sens la chaleur qui se dégage d'elle, mais si elle parle, c'est impossible !
— Arrête de me dire de me taire, ça doit faire trois heures de vol que c'est le cas, se renfrogne-t-elle.
— Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour nos voisins !
J'entends Jam soupirer.
— Un commentaire ? demandé-je un peu sèchement.
— Oh non, je ne me permettrais pas, s'amuse mon frère. Je te signale que Hemza m'a collé avec vous !
— C'est vrai, tu m'aideras à me venger.
Jam m'offre un clin d'œil et allège mon humeur pour quelques secondes, avant que Kate ne recommence à babiller, comme un gosse. Ou plutôt comme un chiot qui couine pour réclamer de l'attention. Heureusement, elle m'épargne un regard de chien battu qui veut jouer à la balle. J'essaie de ne pas la détailler pour cultiver ma rancœur au lieu de me perdre dans la contemplation de son doux visage. Hemza va m'entendre, si je n'avais pas peur qu'il me nargue, je me vengerai de suite en le réveillant de sa sieste grâce à la télépathie, mais je le connais assez pour savoir qu'il retournerait la situation contre moi.
— Mais ma parole ! râlé-je alors qu'elle ne se tait toujours pas. Tu ne fais que répéter la même chose en boucle !
— Je sais, mais je suis surexcitée ! Tu vas voir, la Savoie c'est tellement beau ! Et ils sont tous tellement gentils. Ça va te changer, je te le dis !
— J'avais bi...
Un cri à déchirer les tympans me foudroie l'ouïe, le son a même réveillé mes frères endormis. Tous les six, les mains plaquées sur les côtés du crâne nous grimaçons. Ce n'est pas dans notre tête que le hurlement se trouve, mais il n'a rien de naturel. Les humains semblent miraculeusement épargnés. Le cri me file des vertiges, je suis le seul à réussir à ne pas me prostrer, Myron, Kate et Vael vomissent. Le sang que je vois suinter sous leur paume ajoute des effluves ferreux aux odeurs caustiques du contenu de leur estomac. Mon impuissance devant leur souffrance me torture autant que cette affliction venue de je ne sais où. J'ai de plus en plus de mal à aligner deux pensées pour réfléchir, je suis inquiet de ce qu'il adviendrait si jamais ce son ne devait jamais s'arrêter.
Le supplice dure une bonne minute. Une minute, où même si à la fin je n'arrive plus à savoir où se trouvent le haut et le bas, je tente de rester à l'affut pour protéger ma meute et Kate. Le personnel de bord s'agite, mais je n'entends rien. Puis le bruit se tarit et dans une démangeaison terrible de cicatrisation mes oreilles se remettent à fonctionner.
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Les Meutes - Tome 2 : Défendre sa Place
WerewolfLes années ont passé, les meutes ont cédé et tout le nord du continent américain est pacifié. Lyas et ses frères rescapés, continuent à maintenir la paix au prix d'une existence normale sacrifiée. Le quotidien de la fratrie est bien huilé, ils voyag...