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Couché sur notre lit, en caleçon, j'attends que Livaï et Ilaria se mettent à l'œuvre. Nous n'avons plus tergiversé et il a été décidé d'essayer cette fameuse marque basée sur le tatouage en Futhark.

Une fumée épaisse se répand dans la pièce, j'ai la sensation que mon corps pèse très lourd. Un mortier plein d'une matière noire attend près de moi. L'inquiétude des sorciers rend l'air caustique, si j'avais encore une once de bon sens, j'arrêterais tout. Sauf que j'ai de plus en plus de mal à ne pas penser à l'enfer de Bélial. Il est hors de question qu'il mette la main sur les âmes de ma famille. Orias a refusé de nous prendre, j'en garde une certaine amertume, car l'impression apaisante qu'il m'a fait reste vivace.

— Tu es prêt ? me demande Ilaria.

J'acquiesce.

Avec un pinceau, elle étale la matière noire sur mon torse en dessinant les runes. Au départ, je ne sens que le froid de l'encre humide. Mais petit à petit, la zone chauffe, pour devenir rapidement d'une intensité insupportable. Je me mords la lèvre pour étouffer une plainte. Me préparer à la douleur n'a servi à rien, je suis à deux doigts de me redresser pour vérifier que mon cœur n'est pas en train de se calciner. L'horrible sensation d'être transpercé de part en part par un tison ardent et que le reste de mon corps s'embrase est impossible à éloigner, sauf que la douleur est si insoutenable que je ne parviens plus à bouger. Ce moment a comme un goût de retour en enfer, mon regard accroche celui de Suny, car s'il y en a bien un qui connait ces sensations c'est lui.

Dans l'entrelacs mental, tout le monde m'apporte son soutien, Suny tente de s'imposer dans mon esprit pour endurer la souffrance à ma place. Il n'y parvient pas, car il est dans la pièce contre le mur et il est affecté par la fumée qui enveloppe la scène dans un brouillard opaque et magique qui brouille la concentration.

La brûlure s'apaise enfin, mais je suis sur les rotules. Les sorciers semblent satisfaits, ils se félicitent et invitent le suivant. Run est volontaire, il s'allonge près de ma carcasse lessivée qui n'a pas bougé d'un pouce. Il est serein, plus que moi qui n'ait pas envie de le sentir souffrir, sans même y penser j'attrape son poignet en signe de soutien.

Le moment est assez solennel, personne ne parle dans notre tout, il n'y a que nos auras qui vibrent d'amour. La peine de Run diffuse rapidement dans notre unité et tout comme Suny plus tôt, je suis impuissant. Sentiment que j'exècre.

La peau moite de sueur contre la mienne, Run finit par être abandonné par la douleur. Les sorciers, fiers comme des paons, continuent leur rituel et s'attaquent à Suny.

Mentalement c'est éprouvant, surtout que les souvenirs qui sont réveillés chez notre frère le hantent et lui font monter une crise d'angoisse. Myron et Jam se collent à lui pour le rassurer autant qu'ils peuvent. C'est tellement pénible que j'ai presque envie de tout arrêter, sauf que Suny me mettrait une dérouillée si j'osais.

Alors, je serre les dents, comme lui, comme nous tous.

La torture se répète cinq fois. Notre énergie psychique sort de là complètement tarie. Les sorciers s'éclipsent à peine que nous nous endormions, même si j'ai tenté de rester éveillé quand les consciences ont enfin commencé à se relâcher.

— Oh putain, grogne Vael.

— Tais-toi, on dort, répond un Suny ensommeillé.

— On a dormi au moins douze heures ! réplique Vael.

— V ! couine Myron. Laisse-nous dormir plus.

— Douze ! Putain ! D'heures !

— Et y'a pas le feu, dis-je pour le calmer.

Les Meutes - Tome 2 : Défendre sa PlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant