Jam est en train de préparer un pain de viande quand nous rentrons enfin. Il fait nuit et Myron est déjà sorti avec Vael. D'après le message qu'il a laissé, il avait des plaies à l'arme blanche à soigner. J'espère qu'il va faire cracher un maximum d'argent aux types louches qui l'ont appelé. Pour ma part, j'ai soutiré quelques billets de plus au dealer, j'ai pu faire sortir un de ses hommes comme convenu et, bonus, j'ai pu invalider des accusations qui pesaient contre lui pour lesquelles il ne m'avait rien demandé.
— Le repas n'est pas encore prêt, mais si vous voulez, je vous fais un burger pour patienter, propose Jam.
— Ça ira, tu devrais te reposer, Jam. Tu es fatigué, je le sens.
Jam est notre aîné, il a cinq années de plus que moi, c'est un soumis et il nous materne. C'est peu usuel parmi notre espèce. Mais nous sommes des exceptions, notre amour fraternel arrive à surmonter les obstacles hiérarchiques. Jam ne dort que si nous sommes tous à la maison, ce qui est rare, je bosse beaucoup la journée et tard le soir. Myron en soirée et jusqu'au petit matin. Autant dire que Jam dort peu, trop peu.
— Tu as besoin de parler, réplique-t-il. Je ne suis pas le seul à ne pas me coucher tant que tout le monde n'est pas là. Tu as une tête de panda Lyas.
— C'est mignon les pandas, commenté-je en le frôlant volontairement pour lui montrer mon affection.
Nous sommes tactiles, même si ce n'est que dans l'intimité et moins débordant que durant ma jeunesse. Nous sommes la meute des frères, nous faisons peur et c'est un poids parfois, car il faut faire attention à l'image que nous renvoyons. C'est ce qui nous prémunit de toutes attaques. Le sang et la douleur ont créé ce lien familial entre nous. Nous sommes tous les cinq orphelins, même si contrairement aux autres, je le suis devenu parce qu'un alpha a percé mes origines de solitaire à jour.
Mes parents étaient des omégas de la meute de San Francisco, celle d'où j'ai été chassé quand notre alpha s'est rendu compte, qu'en grandissant, j'aurai le potentiel de lui disputer sa place. Et mes parents l'ont payé de leur vie. Ainsi que Run et Suny.
J'ai parfois l'impression que chacun de mes choix a entraîné un lot de morts dont certaines pèsent plus que d'autres sur ma conscience.
Hemza s'est déjà débarrassé de ses habits et est simplement vêtu d'un jogging orange pendant qu'il fait de la place dans la pièce à vivre.
— Tu veux t'entraîner ? lui demandé-je en l'apercevant.
— Ouais, va retirer ce costume étriqué, on va transpirer.
Excité comme un gosse, je ne me fais pas prier, j'ai envie de me défouler et d'arrêter de ressasser.
— Je prends le gagnant ! intervient Jam.
Un sourire carnassier remplace la douceur habituelle sur les lèvres de Hemza. Après avoir poussé les meubles, il replace ses mèches rousses et attend au milieu du salon. Physiquement, nous sommes tous très athlétiques, mais Jam est le plus baraqué de nous tous. Pour compenser son loup plus petit et pouvoir se défendre quand il est pris à parti, car Myron et lui sont souvent considérés, à tort, comme les maillons faibles de notre meute de par leur nature soumise. Les membres de notre espèce ne comprennent pas que nous n'avons plus de faiblesses. New York nous les a enlevées... Les images du corps désarticulé et sanglant de Suny ne me désertent jamais vraiment. Ne pas avoir eu le temps de leur dire adieu aussi.
Hemza se jette sur moi, m'obligeant à quitter les méandres de mes souvenirs. J'intercepte de justesse sa droite et tente de lui balayer les jambes. Il gronde et je souris, là où beaucoup d'autres souilleraient leur dessous. Un remerciement silencieux passe dans mon regard avant que je ne réplique.
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Les Meutes - Tome 2 : Défendre sa Place
Hombres LoboLes années ont passé, les meutes ont cédé et tout le nord du continent américain est pacifié. Lyas et ses frères rescapés, continuent à maintenir la paix au prix d'une existence normale sacrifiée. Le quotidien de la fratrie est bien huilé, ils voyag...