Si vivre veut dire un éclat de lumière avant l'obscurité, alors autant ne pas rester dans l'ombre de ses frustrations. Vous aurez tout le temps pour ça...après.
VII
« Je ne comprends pas pourquoi tu ne l'apprécies pas » lâcha Rivière en laissant tomber sur sa couchette le rouleau de papier et le carnet, en vrac. « Bon, d'accord, il est peut-être obsédé par le sauvetage de sa fille, mais ça part d'une bonne intention, tu ne trouves pas ? »
Seamus eut un soupir agacé.
« Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, vilebrequin » répliqua-t-il.
Rivière se mordit la lèvre d'un air d'excuse, puis sourit :
« Alors, je suis soulagé. »
Seamus fronça les sourcils et se tourna vers le mécanicien :
« Pourquoi tu serais soulagé ?
— J'ai cru un moment que tu allais m'en vouloir d'avoir fait cette remarque » sourit Rivière. « Mais non. Si tu m'appelles encore vilebrequin, c'est que tu n'es pas fâché. »
Seamus rougit violemment et répliqua aussi sèchement que le permettait sa confusion de mauvaise foi :
« Comment tu le saurais ? Ça fait vingt minutes qu'on se parle et...comment tu saurais que si je t'appelles vilebrequin, c'est que je ne t'en veux pas ? J'appelle vilebrequin qui je veux ! »
Rivière réalisa trop tard le peu de tact de sa remarque.
« Excuse-moi, Seamus, je ne voulais pas... »
Le mage eut un feulement excédé. Ses yeux lançaient des éclairs dans la rougeur embarrassée de son visage, et, sans un regard au petit mécanicien, il fit volte-face dans un grondement de rage et disparu par le cadre noir de la porte défoncée.
Rivière laissé seul eut un soupir désolé. Parfois il devrait tourner trois fois sa langue dans sa bouche...
Il en était à dérouler sans conviction, le regard attristé, le rouleau des plans sur la couverture de sa couchette lorsque Didier et son museau velu apparurent dans l'encadrement de ce qui — autrefois — avait été la porte.
« Toc toc toc » fit-il avec cette politesse courtoise qui était une seconde nature chez lui, « Monsieur Rivière ?
— Oui ? » répondit Rivière avec un sourire civil, même si le cœur n'y était pas.
« Je viens de croiser Seamus » fit l'ours, en entrant précautionneusement dans la pièce. « Il avait l'air plutôt remonté. Ça ne me regarde pas mais y a-t-il un problème ?
— Oh, non rien, Monsieur Didier » répondit tristement Rivière, avec, de nouveau, un petit sourire mélancolique. « J'ai manqué de tact, c'est tout. Tout est ma faute mais...il n'y a pas à vous alarmer. »
Didier soupira et vint s'asseoir à côté de Rivière, avec la prévenance indulgente des parents à leur fils. Rivière ne bougea pas.
« Seamus n'est pas un garçon facile, » lâcha-t-il. « Mais il a bon fond, vraiment.
— Je le crois » acquiesça doucement Rivière.
« Il en garde trop pour lui » ajouta Didier dans un soupir ennuyé. « Mais je pense qu'il vous apprécie » précisa-t-il en tournant sa grosse face vers Rivière.
Le mécanicien rougit légèrement.
« Ah oui ? » lâcha-t-il d'un air détaché.
Didier acquiesça tranquillement.
« Il a...je pense que sa vision de...d'Abe est légèrement faussée » grimaça-t-il. « Monsieur Bones n'est pas blanc comme neige mais Seamus est tellement braqué dans cette vision qu'il le diabolise volontiers.
— Je sais qu'il s'agit de son grand-père, vous savez » précisa Rivière, qui avait perçu le lapsus tabou qui avait failli échapper à l'ours. « Il me l'a dit. »
Didier lui jeta un regard étonné.
« Vraiment ? C'est inhabituel. Enfin, je crois bien qu'il sera soulagé de côtoyer pour un temps quelqu'un de son âge. Il vit ici depuis des années, avec un ours et un vieillard. » Didier baissa la tête, le regard accablé de tristesse. « J'ai personnellement fait de mon mieux pour l'élever comme il faut, mais il n'y a rien de mieux que la société humaine. Enfin, avec son lignage...qui me dit qu'un garçon mi-humain, mi mage sera bien reçu par notre société ? »
Rivière soupira. La question ne se posait malheureusement que trop.
« Ne vous inquiétez pas » sourit Didier, « il ne fait pas la tête longtemps. Sauf à son grand-père, et je considère ces deux-là comme un cas aussi particulier qu'irrécupérable.
— Merci, Didier » fit Rivière, sincèrement.
L'ours sourit et se releva.
« Malgré une arrivée un peu...mouvementée » rit-il, « je suis sûr que vous serez bien ici. Nous y veillerons.
— Merci » répéta Rivière.
Et l'ours avec son sourire de gentilhomme disparut par l'ouverture de la porte.
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LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈 𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈
Приключения𝟒𝐞 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐚𝐮𝐱 𝐖𝐚𝐭𝐭'𝐜𝐡𝐞𝐞𝐫𝐬 𝐀𝐰𝐚𝐫𝐝𝐬 𝐏𝐮𝐦𝐩𝐤𝐢𝐧 𝟐𝟎𝟐𝟐 𝐜𝐚𝐭é𝐠𝐨𝐫𝐢𝐞 « 𝐚𝐯𝐞𝐧𝐭𝐮𝐫𝐞 » Jonathan Rivière avait bien d'autres plans pour cette journée tranquille que de finir embarqué dans une mission sauvetage désesp...