XXVI. Quand l'espoir emboutit la magie, ça donne du céleri rémoulade.

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XXVI

« J'adore les dates limites. J'aime le son qu'elles font quand on les dépasse à toute allure. » Douglas Adams (le seul, l'unique, le froudé coruscant !)

Seamus fixait le fond de son café fumant d'un œil vide.

« Je suis désolée » fit doucement Zo. « Il a cherché partout. Vous pouvez lui faire confiance...vous les avez distancés...si vous les aviez suivis, ou du moins pas perdus, vous seriez probablement...vous ne seriez probablement pas ici.

— Pas nécessairement » souffla Seamus d'une voix vide.

Même le bébé golem se taisait. On lui avait donné du lait de chèvre, parce que personne n'était bien sûr de ce que devait manger un golem, qu'il buvait sans bruit dans un vieux biberon incarnant de tout son être le sens du mot « artisanal » qui avait visiblement appartenu à Val. Rivière, hésitant, tapota doucement le dos de la main du mage, sans réaction.

« J'ai retourné chaque pierre » confirma Brillen, derrière elle, en retirant tristement son chapeau dégoulinant de neige. « Ils ne sont pas là. Il faut garder espoir, tant qu'on a pas retrouvé de corps.

Mais pas trop non plus » ajouta gentiment Zo en lui jetant un regard.

« C'est à éviter » soupira Brillen.

Le gardien de refuge était un géant taillé en rectangle évoquant immanquablement un meuble bien massif, le tout surmonté d'une petite tête ronde et indubitablement sympathique. Les petits yeux bleu ciel s'inquiétaient au milieu de la montagne humide qui se dandinait d'un pied sur l'autre au milieu de la pièce. Seamus hocha doucement la tête.

Le café soulevait des fumerolles lourdes.

Brillen toussota, tordant et retordant son chapeau entre ses doigts. Le regard de Seamus s'était perdu dans la noirceur du café. Rivière, les yeux emplis d'une insondable tristesse, fixait le mage d'un air soucieux.

Zo se racla la gorge.

Puis, soudain, une voix pointue creva le silence.

« Seamus. »

Le mage releva la tête.

« Tu peux me faire un tour de magie, s'il te plaît. »

Le silence cristallisa. Sans bruit, Seamus baissa la tête.

Un très vieux chat modèle paillasson en stade terminal de la nonchalance dans les bras, Val se tenait à côté de sa chaise, soutenant le félin comme un sac de farine percé et les yeux braqués dans ceux du mage.

Le chat toussa.

« Seamus. » Répéta le garçon d'une voix ferme.

Le mage soupira. Son grand-père était probablement mort. Didier était probablement mort. Et Samuel. Et Jackalan. Et machin, aussi. C'était n'importe quoi, il commençait à en avoir marre, et pourtant il était tout près d'obéir tranquillement à un gamin de six ans.

Soudain...

...oh, maëlbran.

« Vilebrequin » balbutia-t-il en repoussant son bol, brusquement pâle comme la mort.

Rivière fronça les sourcils, se pencha en avant.

« Qu'est-ce qu'il y... » commença-t-il, mais Seamus l'avait déjà agrippé par le col et braquait ses yeux dans les siens, tremblant, soudain pâle comme la mort.

« Il faut qu'on parle. »

Il l'avait dit entre ses dents.

Rivière sentit un serpent se nouer dans son ventre.


LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈  𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant