XXI. Les ennuis précipitent et le temps se dissout.

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XXI

Seamus sentit un grand froid l'envahir.

« Mais...le chrononef...il existe, on l'a tous vu » protesta-t-il faiblement.

« Oui » fit Rivière d'une voix triste. « Il existe, mais il n'a pas lieu d'être. On ne peut pas le fabriquer. Personne ne le peut. »

Seamus sentit comme une masse le frapper en pleine poitrine.

« Mais tu pouvais pas le dire plus tôt ? » lança-t-il d'une voix saccadée, le souffle presque court.

« À cette époque, la question ne se posait pas » fit Rivière d'un ton d'excuse. « J'étais fasciné par l'appareil. Et personne ne s'attendait à ce que je le reconstruise d'une manière ou d'une autre.

— Mais si quelqu'un l'a déjà fabriqué, c'est que tu peux... » commença Seamus, en désespoir de cause.

Rivière posa doucement une main sur son bras, le força à respirer.

« Seamus, c'est impossible. Cet appareil viole toutes les lois de la nature. Il peut peut-être fonctionner une ou deux fois, et de façon extrêmement instable, sans cette pièce...mais sans elle, il n'est qu'une bombe à retardement qui risque d'exploser à tout instant. On a aucune certitude en l'utilisant.

— Mais —

Seamus. Crois-moi, je peux refaire les calculs. ...Une onzième fois. »

Le regard du petit mécanicien était obscurci de chagrin.

Seamus se laissa retomber contre le dossier du canapé, le souffle court. Maëlbran.

Ce fut à cet instant que Rivière prit une profonde inspiration à côté de lui. Maëlbran.

« C'est pour ça que je ne vois qu'une seule solution à notre problème, » lâcha-il d'une voix hésitante.

Seamus releva la tête, plein d'espoir.

« Oui ?

— Oh, ne t'excite pas » le prévint Rivière en pointant vers lui un index sinistre. « C'est probablement le pire plan de la galaxie. Et plus si on compte toute forme de vie extra-terrestre. »

Les épaules de Seamus s'affaissèrent, mais rien qu'un peu, parce que l'espoir était revenu.

« Voilà » reprit Rivière, l'air plutôt incertain. « Si j'ai dit que le chrononef ne peut pas exister, je n'ai pas non plus dit qu'il n'existe pas.

— Hum.

— Tu m'as l'air d'avoir déjà décroché » soupira le mécanicien avec un petit sourire.

« Non, non, vas-y, je veux avoir une vue d'ensemble » fit Seamus de l'air le plus neutre qu'il avait en réserve.

« Bon. Un début d'explication chaotique » commenta Rivière en ricanant. « Je veux dire, on a voyagé dans le temps.

— Oui.

— C'est donc que le chrononef existe d'une façon ou d'une autre.

— Oui. Mais, d'un autre côté, il ne peut pas exister...

— En fait, c'est là que le bât blesse » fit Rivière, presque gêné. « Ce n'est pas qu'il ne peut pas exister. Une fois construit, l'appareil tient le coup et marche très bien. C'est juste que personne ne peut et ne pourra jamais le construire. »

Seamus haussa un sourcil.

« Oui, j'admets, j'ai décroché.

— Hé bien » et le regard de Rivière se mit à étinceler d'intelligence « On doit bien admettre que l'objet existe, même s'il n'a jamais été construit, non ? On a des preuves de son existence. Et on a la preuve qu'il ne pourra jamais être construit. Et si on admettait tout simplement ça ? »

Seamus se carra dans le dossier du canapé, songeur.

« Ça paraît ou parfaitement débile, ou proprement génial.

— Je ne sais pas trop, peut-être que c'est les deux. » Rivière eut une mimique embarrassée. « Seamus, il y a quelqu'un ici qui nous balade et balade des gens à-travers des portails temporels. Ce quelqu'un doit avoir la pièce.

— Sans jamais l'avoir construite.

— Sans jamais l'avoir construite, » répéta Rivière en hochant la tête.

« Et demande à Jackalan et Samuel de nous sauver, » continua Seamus d'une voix creuse. « Et met un portail temporel dans l'horloge de...dans l'horloge de ma mère.

— Oui.

— Dans le passé.

— Oui.

Pourquoi ? »

Rivière prit une profonde inspiration.

« Et si on allait le lui demander nous-mêmes ? »


LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈  𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant