II. Premier contact.

17 4 0
                                    

II

« Monsieur. »

Il y eut un gazouillis. Seamus sentit — vaguement — le monde redevenir tangible, ou du moins comme il l'avait toujours été, si ce n'était pas le mot.

« Monsieur, ça va ? »

Le mage grogna quelque chose dont lui-même n'était pas sûr du sens. C'était probablement très impoli. Ou pas.

« Monsieur, vous êtes mort ? »

Silence. Tous les muscles de Seamus lui faisaient mal.

« Bon, je suppose que je dois prendre ça pour un oui.

— Grrmmggghhrrgargl.

— Ah. Non. Monsieur ?

— Argl. »

Seamus crut voir passer un buisson pas peigné dans son champ de vision, mais après réflexion, il mit ça sur le compte du parpaing thaumaturgique qu'il venait de se manger.

« Bon. »

Gazouillis, gazouillis.

« Oh, tiens. C'est quoi, ça ? »

Seamus eut un mauvais pressentiment. L'addition du gazouillis et de la voix inconnue, même s'il était une bouse finie en calcul, lui paraissait donner un total très mauvais.

« Monsieur, je crois que vous êtes allongé sur un caillou qui rigole. »

Le mage grogna, puisa dans ses dernières forces et héroïquement se vautra sur le côté.

« Bon, j'y touche pas. Vous voulez un verre d'eau ?

— Mhouirgargl.

— Oké. Bougez pas. »

Seamus se déplia courageusement et parvint enfin à reprendre une position plutôt correcte, non sans mal. Une petite silhouette, en contre-jour dans une obscurité de cave à charbon, le fixait de façon plutôt gênante.

« Ah, bah voilà. C'était pas si dur. Vous connaissez l'autre monsieur ? C'est quoi, son nom ? »

Seamus cligna des yeux. Puis, doucement, une ombre bleuté, à côté, reluisit de l'obscurité, inerte. Il déglutit. Une tignasse d'elfe, en particulier, papillotait justement.

« Vil...Jonathan ? » proposa-t-il d'une voix lointaine.

« Super. Vous pouvez le réveiller ? J'ai les clefs du vantail. Mais il faut faire vite, avant que mon père ne se ramène.

— Ton père ? »

Quelque chose toussa dans l'obscurité.

« Oui. Mon père. Vous avez pas envie de le croiser. Il machine des trucs depuis un certain temps ici. J'ai tout prévu avec des amis. Moi, j'ai pas confiance, donc je vais vous aider à partir. Il sait pas encore que vous avez pris le portail de saut, mais il peut venir vérifier le piège d'un instant à l'autre. C'est moi qui ai ouvert le vantail, parce que je lui ai volé la clef. Vous êtes pas claustrophobe ? »

Seamus gargouilla quelque chose. La silhouette remua, et s'approcha de la seule source de lumière, — un petit rectangle à peine luisant, au-dessus d'une noirceur profonde.

« Dépêchez-vous. Prenez votre ami, là. Et le caillou. Et le paillasson.

— Chat » corrigea Seamus.

« Ah ouais ? J'aurais pas cru. Bref. » La silhouette, dans la pénombre, sembla escalader rapidement un large monticule d'obscurité, sous le rectangle de lumière. « Passez le tas de charbon, il mène au vantail. On peut sortir par là. » Il y eut un brusque grincement qui mourut dans un flot de lumière. « C'est bon, j'ai rouvert. »

Seamus se protégea l'œil d'une main, ébloui. La pièce telle qu'il la voyait maintenant était plutôt petite, sale, d'une crasse charbonneuse, et dans un coin une petite fille était assise sur un tas de poussier, en tailleur, à côté du vantail ouvert. C'était une cave, à première vue.

« Vous venez, ou pas ? »

Le souffle de Seamus se raccourcit. À côté de lui, éclairé par les langues de lumière du vantail, Rivière était allongé, inerte. Le cœur du mage se serra. Puis, parce que le chat (?) semblait de toute façon vissé à l'avant-bras du mécanicien, il se balança ce dernier sur l'épaule, embarqua le bébé golem et escalada en trois enjambées le petit tas de charbon.

La fillette sans bruit de glissa par la petite fenêtre. Seamus suivit, comme il le pouvait avec son fardeau, et en se tortillant désespérément déboucha enfin sur la rue.

« Bon. Ça, c'est fait. » La petite fille s'épousseta les genoux et se redressa sur les pavés, le visage grave. « Vous me suivez ? »

Seamus acquiesça.

Et ils détalèrent.


LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈  𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant