XV
Le papier bleuté avait quelque chose de surnaturel. Les griffures d'encre et de crayon de bois tailladaient la surface, luisaient presque, — et perçant les graduations d'indigo suggérait blanc sur sombre les contours déchiquetés d'une machine monstrueuse, rotonde, de cuivre violent.
Seamus retenait sa respiration. Rivière semblait vibrer d'excitation à côté de lui. D'une main de pianiste, Hermann lissa les derniers rouleaux du plan.
« C'est... »souffla le petit mécanicien. Elle hocha la tête, et cela détacha de sa pipe comme des volutes de fumée.
« Le chrononef, » laissa-t-elle tomber d'une voix rauque. « Ou du moins, une ébauche de son plan. »
Seamus serra les poings.
« Ou l'avez-vous volé ? » gronda-t-il. « J'étais certain que vous étiez pas nette depuis le —
— SEAMUS ! »
Le cri trancha l'air, son cœur rata un battement. L'information resta figée une microseconde dans les méandres de sa conscience.
Puis le frappa en plein affect comme une gifle.
Le petit mécanicien, le visage très pâle, se tenait droit à côté de lui et avait braqué ses yeux dans les siens avec une fermeté dont Seamus ne l'aurait jamais cru capable. Il tremblait presque.
C'était lui qui avait crié.
« Seamus » reprit-il d'une voix sourde, « tu te souviens de ce qu'on disait au refuge, au sujet de nos compétences propres ? »
Le jeune mage trouva à peine la présence d'esprit de hocher faiblement la tête, effaré, sous le choc.
« Nous sommes coincés ici. Nous aurons visiblement besoin de mes connaissances en mécanique. Et je peux parler tout seul, merci bien. »
Il soupira tristement, l'air toujours grave.
« Et j'aimerais que tu arrêtes de piquer une crise à chaque contrariété, si ça ne t'ennuie pas. »
Un chagrin insondable traversa ses yeux — une seconde.
« Je crois que c'est à moi de prendre les rênes, maintenant. »
Seamus baissa les yeux, comme un oiseau blessé. Il avait été pris par traîtrise, d'un coup précis de poignard...et pourtant, Vilebrequin avait raison. Comme toujours.
C'était un monde inexplicable, fumant, métallique. Pas le monde qu'il avait connu, pas vraiment. Là où il était né, la neige reluisait de magie et la lune avait des airs de cristal.
Mathusalem avait poussé sans lui.
Il ne restait plus qu'à passer le flambeau.
« Je suis désolé » crut-il entendre dans un souffle.
Ça faisait mal malgré tout. Un hoquet douloureux lui échappa et lui fit honte.
L'ombre le recouvrit de nouveau, et referma son visage.
Lisse. Sans attaches.
La glace recouvrirait à jamais ses cicatrices.
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LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈 𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈
Aventura𝟒𝐞 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐚𝐮𝐱 𝐖𝐚𝐭𝐭'𝐜𝐡𝐞𝐞𝐫𝐬 𝐀𝐰𝐚𝐫𝐝𝐬 𝐏𝐮𝐦𝐩𝐤𝐢𝐧 𝟐𝟎𝟐𝟐 𝐜𝐚𝐭é𝐠𝐨𝐫𝐢𝐞 « 𝐚𝐯𝐞𝐧𝐭𝐮𝐫𝐞 » Jonathan Rivière avait bien d'autres plans pour cette journée tranquille que de finir embarqué dans une mission sauvetage désesp...