XVIII. Les hors-monde: 2

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XVIII

La pluie grêlait en bourrasques furieuses.

Il était peut-être midi, ou l'inverse. Rien qu'à y penser on avait l'impression violente de basculer en arrière, dans les méandres de la nuit. Pas de soleil, ou alors des éclats d'averse qui éclipsaient le regard.

L'homme marchait depuis si longtemps qu'il avait perdu toute notion tangible.

Sous ses bottes usées, la boue se refermait, presque brusquement, et clapotait furieusement tout autour. Il ne voyait rien, son visage était trempé de pénombre, de ruisseaux que la nuit faisait quasi phosphorescents.

Il referma sa cape sur le paquet qu'il tenait, ploya sous l'uppercut du vent. Tenir bon.

Ses cheveux lui fouettaient la figure comme des serpents morts. Tenir bon.

Il n'avait aucune idée d'où il allait et il avait si peu dormi ces derniers temps qu'il commençait à oublier d'où il venait. Vaguement, il y avait l'image d'un silhouette...quoique, ça pouvait bien être une ombre...

Il faisait face au vent, le front penché, un pas après l'autre. Le vent hurlait dans ses oreilles comme une meute de chiens.

Tenir bon.

Et, soudain...

...la pluie se fit moins forte...

...le vent moins brutal...

...même la boue sembla un instant reculer.

Il releva les yeux. L'ombre s'était refermée sur lui.

Il sourit.

Une ombre salutaire.

Quelques lumières se mirent à pailleter l'obscurité presque chaude du large fronton rectangulaire.

Il chancela. Quelqu'un vivait ici.

Le froid de l'accalmie soudaine le prit jusqu'aux os.

Son ombre vacilla.

...Comme une pierre s'effondra dans la boue.

La pluie crépitait doucement.

LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈  𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant